De faibles lueurs dans la nuit: le pacifisme durant la Première Guerre Mondiale.

 

À Craonne, le 5 novembre 1998, le premier ministre français Lionel Jospin se prononce officiellement, pour la première fois, en faveur d’une mémoire incluant une part de ceux qu’André Loez a appelé « les refus de guerre »:

« Certains de ces soldats, épuisés par des attaques condamnées à l’avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d’être des sacrifiés. Que ces soldats, « fusillés pour l’exemple », au nom d’une discipline dont la rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd’hui, pleinement, notre mémoire collective nationale. »

L’avancée est timide, mais la réaction du Président Jacques Chirac ne se fait guère attendre: «Au moment où la nation commémore le sacrifice de plus d’un million de soldats français qui ont donné leur vie entre 1914 et 1918 pour défendre la patrie envahie, l’Elysée trouve inopportune toute déclaration publique pouvant être interprétée comme la réhabilitation de mutins»

Le débat a quelque peu évolué depuis, en marge des discours officiels. Pour autant, la voix de ceux qui, très minoritaires, ont refusé l’Union Sacrée et ont maintenu envers et contre tout des positions pacifistes, demeure encore si étouffée qu’on pourrait croire en son absence. Cette anthologie entend signaler quelques noms parmi les plus notables.

Ces phrases écrites par quelques intellectuels sont aussi l’écho, ne l’oublions pas, d’un nombre à jamais inconnu de « rejets silencieux ». Les premières pages par exemple du roman de Gabriel Chevallier, La Peur(1931), sont là pour nous rappeler qu’à l’été 1914, l’enthousiasme n’était sans doute pas aussi partagé qu’on veut souvent le laisser croire. Bien davantage, il est alors le seul sentiment qui peut publiquement s’exprimer.

  • L’assassinat de Jean Jaurès, par Henri Guilbeaux. Un souvenir du climat des jours de l’entrée en guerre, à rapprocher des souvenirs de Gabriel Chevallier.
  • Discours de Bâle (24 novembre 1912), par Jean Jaurès.
  • Discours de Bruxelles (29 juillet 1914), par Jean Jaurès. Tentative de reconstitution par Jean Stengers du dernier discours de Jean Jaurès, deux jours avant sa mort.
  • Aux peuples assassinés, par Romain Rolland. Un des textes publiés dans la revue Demain d’Henri Guilbeaux.
  • Tu vas te battre (poème), par Marcel Martinet. Texte écrit aux premiers jours de la Grande Guerre.
  • Tout n’est peut-être pas perdu suivi de Les morts (poèmes), par René Arcos. Par le futur cofondateur de la revue Europe.
  • Dans la tranchée (poème), par Noël Garnier.
  • Le Noyé (poème), par Lucien Jacques.
  • Éloignement (poème), par Marcel Sauvage.
  • Malédiction (poème), par Henri Guilbeaux. Un texte prophétique sur les bombardements aériens, qui laisse entendre en 1917, qu’en matière de guerre industrielle, le pire est encore à venir.
  • Au grand nombre (poème), par Pierre Jean Jouve. Un poème de jeunesse d’un auteur qui marquera ensuite une rupture totale avec la première partie de son œuvre.
  • Chant d’un fantassin suivi de Élégie à Henri Doucet (poèmes), par Charles Vildrac. Un des piliers de l’expérience de l’Abbaye de Créteil, fervent pacifiste.
  • L’illumination (poème), par Luc Durtain. Un très grand poète oublié, l’ensemble du recueil, consultable en ligne, vaudrait d’être réédité.
  • Requiem pour les morts de l’Europe (poème), par Yvan Goll. Poète franco-allemand -né en fait dans l’Alsace-Lorraine occupée- qui adopte d’emblée une position pacifiste. Inventeur du « surréalisme » dont la paternité lui sera disputé par André Breton qui le juge trop classique, il meurt dans l’oubli. Il peut être considéré comme un des rares poètes expressionnistes écrivant en français.
  • Frans Masereel, par Luc Durtain. Sur le graveur et peintre flamand dont l’œuvre est indissociable de l’engagement pacifiste.
  • Discours de Pierre Brizon le 24 juin 1916. Premier discours de rupture avec l’Union sacrée, trois députés socialistes votant pour la première fois contre les crédits de guerre.
  • L’alerte, récit d’avant-guerre, par René Arcos. Une nouvelle d’une grande force satirique, par le cofondateur de la revue Europe.
  • L’Adieu à la patrie (poème), par Luc Durtain. À mes yeux, peut-être, le plus beau poème qu’on ait pu écrire sur cette guerre.
  • La première victime de la guerre, par Gabriel Chevallier (extrait du roman La Peur). Première victime, ou premier héros?
  • J’ai peur, par Léon Werth (extrait du roman Clavel chez les majors). « Je ne vois pas dans la guerre autre chose qu’une catastrophe. »
  • Le Mal 1914 -1917 (extraits), par René Arcos.
Gazés, par John Singer.

Gazés (1918, Imperial War Museum, Londres), par John Singer  Sargent.

 

LES BLESSÉS PSYCHIQUES DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE.

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