Il fait nuit noire. je suis dans une sorte de terrain vague à Ligovo.
Dans la poche de mon pardessus, j’ai un revolver.
À mes côtés, N., un agent de la brigade criminelle. Il me chuchote:
-Mettez-vous près de la fenêtre. Comme ça, si je tire, je ne vous toucherai pas… S’il saute par la fenêtre, tirez… Tâchez de viser les jambes…
Retenant mon souffle, je m’approche de la croisée. Elle est éclairée. Je me colle le dos au mur. Du coin de l’œil, je regarde par-dessus le rideau.
J’aperçois une table de cuisine, une lampe à pétrole.
Un homme et une femme, assis, jouent aux cartes.
L’homme distribue des cartes sales et déchirées. À chaque fois qu’il abat une carte, il la frappe de la paume. Tous deux rient.
N. et trois autres agents s’élancent ensemble sur la porte pour l’enfoncer.
C’est une erreur. La porte ne cède pas tout de suite. Il aurait fallu trouver un autre moyen de la forcer.
La bandit éteint la lampe. Il fait noir.
La porte s’ouvre avec fracas. Des coups de feu éclatent…
Je lève mon revolver à la hauteur de la fenêtre.
On n’entend plus rien.
Nous allumons la lampe dans l’isba. La femme est assise sur un tabouret. Pâle et tremblante. Son partenaire n’est plus là. Il est parti par l’autre fenêtre, qui était fermée par des planches.
Nous examinons cette fenêtre. Les planches avaient été clouées de façon à céder sous une légère pression.
-Ça ne fait rien, dit N. Nous l’aurons.
À l’aube, nous l’arrêtons quatre verstes plus loin. Il tire sur nous. Puis sur lui-même.
Avant le lever du soleil, Gallimard, 1971 (traduction de Maya Minoustchine).
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