« Quand je l’ai rencontré, il se tenait timide, très droit, très grand et un peu maigre, auprès d’une dame venue de Paris. »
Olivier Favier
« Quand je l’ai rencontré, il se tenait timide, très droit, très grand et un peu maigre, auprès d’une dame venue de Paris. »
Olivier Favier
« Moi je vous embarque la nuit, avait dit l’homme: une sorte de commis-voyageur pour le bagou, mais au visage sérieux et honnête- et de nuit je vous débarque: sur la plage du Nugiorsi, je vous débarque, à deux pas de Nuovaiorche. »
Leonardo Sciascia
« Nous sommes dans l’un des bars africains de Rosarno -il y en a en tout une dizaine- où l’on vend de la nourriture achetée en gros à Naples, des cosmétiques rangés dans une petite armoire vitrée, où l’on boit surtout des canettes de Peroni ou de soda en regardant la télé. »
Olivier Favier
« Mamadou est un garçon posé, presque timide, dont le visage souvent impassible s’éclaire parfois d’un large et enfantin sourire, comme pour rappeler qu’il n’a pas encore dix-sept ans. »
Olivier Favier
« Le calcul est facile à faire: à six mille dollars par personne pour 970 passagers, un navire comme le BlueSkyM a rapporté autour de six millions de dollars. Même en ôtant le coût d’acquisition du cargo, les commissions payées aux intermédiaires et le revenu de l’équipage, les profits rassemblés donnent le vertige. »
Stefano Liberti
« Le Processus de Khartoum est un choix qui peut favoriser dans les faits, en plus des affaires des entreprises de la guerre, en plus du racisme politique et institutionnel, le business des voyages de l’espoir, qui souvent se transforment en voyages de mort. »
Filippo Miraglia
« La pilule qui aide à supporter la fatigue coûte à peine dix euros, au marché noir de l’esclavagisme pontin. Singh a deux possibilités: faire fondre directement le contenu dans la bouche ou le mélanger au chai, le thé des sikhs. »
Angelo Mastrandrea
« Il s’agissait, dans mon cas, d’une réaction de conscience, dans laquelle l’élément politique n’entrait que pour constater qu’on ne pouvait qu’être contre de telles choses. Car, du point de vue de la conscience, ce qui importe c’est la réalité et les mots ne valent qu’autant qu’ils l’expriment. Du point de vue de la conscience, ce qui précipite la décision, c’est justement le sens immédiat que certains faits sont ce qu’ils sont et qu’aucune formule ne peut les contraindre à signifier autre chose. Et il n’y a pas de sophisme, ou de nécessité supérieure, qui puissent faire taire en nous l’alarme causée par le fait de l’homme injustement persécuté — ni de «version officielle» qui puisse nous persuader qu’un mensonge est une vérité.
Or, on pourrait dire que les doutes qui s’amassent autour du fascisme au fur et à mesure qu’on apprend à le connaître, viennent essentiellement de ce simple fait: qu’il semble avoir un intérêt primordial à appeler les choses autrement que par leur nom le plus simple. Il commence par dire qu’un crime n’est pas un crime, mais un «moment nécessaire», et même «héroïque», de l’histoire, et finit par appeler «unanimité» le résultat visible de l’excellente organisation de la police politique; ou par dénoncer la «volonté agressive» d’une armée qui se retire.
En effet, en présence, par exemple, des persécutions antisémites en Allemagne, ce qui est insupportable et que je trouve le plus grave, ce n’est pas tant l’explosion féroce d’un ressentiment accumulé: c’est que ce ressentiment prétende se justifier et donc rejeter dans l’abstrait toute responsabilité, par la théorie raciste. Car la passion, même si elle est féroce, est une chose humaine et sur laquelle, d’homme à homme, on peut toujours essayer d’avoir prise. Dans le pire des cas, il y a son cours naturel et l’assouvissement. Mais une théorie absurde raidit la férocité en système; de sorte qu’aucun discours n’est plus possible. Il y a une frontière infranchissable qui se dresse: on a pris l’habitude de la gratifier du nom de «mystique». Plus exactement, elle marque la limite au-delà de laquelle l’obtusité devient irréparable.
Je ne veux pas faire de la polémique. Je veux simplement souligner un fait qui me paraît capital, pour la compréhension du fascisme. Ce fait est l’altération de vocabulaire qui, en simplifiant progressivement les notions de la réalité, en nivelle arbitrairement les aspérités et finit par abolir la conscience de son caractère fondamental, qui est d’être constituée de choses distinctes et d’actions dont chacune a sa signification et ses conséquences propres. C’est le phénomène qui constitue la façade «totalitaire» du fascisme, façade dont la fonction la plus simple est justement celle de donner une apparence d’uniformité à une réalité confuse et complexe.
Cette altération de vocabulaire n’est pas chose nouvelle ni particulière au fascisme, dans le monde actuel. C’est une technique que le fascisme a poussé jusqu’à une certaine perfection, mais tous les intérêts établis s’en servent également, à travers leurs services de propagande, et en utilisant les ressources de la technique moderne de persuasion. Car tout cela n’est qu’affaire de publicité.
Et, de même que, devant les insistances de la réclame qui cherche à vous imposer, par les différentes formes d’obsession, lumineuses ou radiophoniques, l’achat de la marque de savon qui a été le principal auxiliaire de Cléopâtre dans son œuvre de séduction de Marc-Antoine, la seule question utile est de savoir s’il nettoie les mains mieux qu’un autre — de même, devant le fascisme, il importe avant tout de percer l’écorce totalitaire pour aller voir ce qui se passe derrière. C’est-à-dire, il importe avant de rétablir les distinctions, les précisions, les diversités de cette vie réelle et multiple qu’on risque de perdre de vue. »
Nicola Chiaromonte
« Si je veux revenir à Gênes en 2001 aujourd’hui en regardant Nantes en 2014, le visage ensanglanté et l’orbite énucléée de Quentin (visage qui se superpose à celui de Joachim, de Pierre, Jiade… à Clichy, à Montreuil, à Nantes, à Villiers-le-Bel…), en lisant le témoignage de ce journaliste (qui porte plainte), c’est parce que, à Gênes, la conception et l’utilisation «traditionnelles» de l’«État» occidental bourgeois et de ses appareils, qui étaient jusqu’alors une objet d’une forme de statu quo ou de consensus depuis l’après-guerre (à l’exception notable des pays du bassin méditerranéen qui furent longtemps sous le joug d’une dictature – Portugal, Espagne, Grèce …), l’usage de la violence de masse contre les masses, y compris celles identifiables, dans un schéma volontairement simpliste et réducteur, comme «les siennes», la conception du «maintien de l’ordre», son usage, ses fins… ont changé, ont pris un autre tour, là-bas, durant ces jours de juillet 2001. »
Élodie Tuaillon-Hibon
« En tant que tel pourtant, le lieu de mémoire est purement tautologique. Il ne peut être objectivé par celui qui l’invente, mais seulement par un regard extérieur sur les raisons de ce choix. Autrement dit, il nous renseigne bien davantage sur les valeurs communes de la classe dirigeante d’un pays que sur celles nécessairement multiples, contradictoires et changeantes de sa population. D’un point de vue strictement historique, il n’a de sens que s’il permet de révéler les doutes et les fractures, les permanences et les évolutions. Mais la question de ce qui fait ou non mémoire est pratiquement infinie, et se devrait pour le moins d’être posée en amont. Si l’on y introduit, ce qu’on ne fait plus guère, un peu de pensée dialectique, il dit alors l’oubli, intentionnel ou non, le refoulé et le retour du refoulé, et nous renseigne sur les usages du passé, présents et à venir. À défaut, il ne fait qu’alimenter la confusion entre histoire et mémoire, fût-ce pour en débattre ensuite entre gens du même monde, à grands renforts de moues dubitatives et de dénégations agacées. »
Olivier Favier