« Au théâtre j’ai essayé de donner vie aux fantômes d’hommes, mais surtout de femmes qui ont fait la grande Histoire, avant d’être écrasé(e)s par elle. Comme pour rendre voix et justice aux héros et héroïnes oublié(e)s, en une époque, la mienne, où pour trouver la vraie grande tragédie tu dois regarder d’autres temps et d’autres lieux. Aujourd’hui notre monde est tellement recouvert du vernis des petites névroses, tellement minimaliste et homologué, tellement soumis au marché et désenchanté, qu’il n’est pas théâtral. Je cherche de grands mythes ailleurs. Je les ai trouvés dans la seconde guerre mondiale, chez les « sorcières » du dix-septième siècle, chez les émigrants italiens en route pour « Lamerica », chez Jeanne d’Arc et Gilles de Rais, chez les réfugiés politiques venus d’autres continents. Et dans l’incendie de l’usine TWC, auquel j’ai consacré Étincelles, un de mes textes et de mes mises en scène les plus récents. »
Laura Sicignano
Rubriques : Théâtre-récit |
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« Constater que nous vivons des temps qui privilégient le quantitatif sur le qualitatif, le premier tendant à oblitérer le second, est un truisme. Le chiffre monopolise notre perception du réel. Le journaliste, chroniqueur de l’instant s’adressant à des millions d’inconnus, le sait mieux que quiconque, au moins intuitivement, qui s’attache à illustrer l’importance relative de son propos par des précisions chiffrées censées permettre au lecteur, à l’auditoire, de classer le sujet traité sur son échelle de jugement personnelle. Une nauséeuse hiérarchie s’instaure alors. Entre box-office des navets, responsables de trous financiers et auteurs de crimes en série. Hiérarchie d’autant plus perverse qu’elle n’est pas contestable d’emblée : « record battu ». »
Francis Deron