En Italie, l’enclos muré fut par le passé le siège commun des familles qui possédaient le territoire alentour. La ville forma avec son territoire un corps inséparable. De tradition immémoriale, le peuple des campagnes, bien qu’aujourd’hui parvenu à une large part de la propriété, prend toutefois le nom de sa ville, jusqu’à la limite d’un autre peuple qui prend le nom d’une autre ville. Dans de nombreuses provinces c’est elle la seule patrie que le commun connaît et comprend. Notre peuple, dans l’usage domestique et spontané, ne s’est jamais donné le nom géographique et historique de lombard; jamais il n’a adopté familièrement ces variables divisions administratives de départements et de provinces qui dépassaient les vieilles limites communales. Le berger de Val Camonica, associé tantôt à l’une tantôt à l’autre circonscription, est toujours resté brescian. Le berger de Val Sàssina, se donne le nom d’une ville lointaine qu’il n’a jamais vue, et appelle bergamasque le berger des Alpes contigus, alors qu’aucun agriculteur ne s’appelle parisien, pourrait-il voir de chez lui Paris ou presque.
Cette adhésion du paysan à la ville, où demeurent ceux qui font le plus autorité, les plus opulents et les plus industrieux, constitue une entité politique, un état élémentaire, permanent et indissoluble. Il peut être dominé par d’étranges attractions, y compris par la force d’un autre état semblable, associé tantôt à l’une tantôt à l’autre seigneurie, dénué de toute faculté législative ou administrative. Mais quand cette attraction ou compression vient à faiblir suite à quelque vicissitude, l’élasticité natale resurgit, et le tissu communal retrouve sa vitalité d’autrefois. Parfois le territoire régénère la ville détruite. La permanence du pouvoir communal est un autre fait fondamental et presque commun à toutes les histoires italiennes.
Extrait de la Première partie de La città considerata come principio ideale delle istorie italiane, publiée dans la revue Il Crepuscolo n° 42 du 17 octobre 1858. Traduit par Olivier Favier.
In Italia il recinto murato fu in antico la sede comune delle famiglie che possedevano il più vicino territorio. La città formò col suo territorio un corpo inseparabile. Per immemorial tradizione, il popolo delle campagne, benchè oggi pervenuto a larga parte della possidenza, prende tuttora il nome della sua città, sino al confine d’altro popolo che prende nome d’altra città. In molte provincie è quella la sola patria che il volgo conosce e sente. Il nostro popolo, nell’uso domestico e spontaneo, mai non diede a sè medesimo il nome geografico e istorico di lombardo; mai non adottò famigliarmente quelle variabili divisioni amministrative di dipartimenti e di provincie, che trascendevano gli antichi limiti municipali. Il pastore di Val Camonica, aggregato ora ad uno ora ad altro compartimento, rimase sempre bresciano. Il pastore di Val Sàssina si dà sempre il nome d’una lontana città che non ha mai veduta, e chiama bergamasco il pastore dell’alpe attigua, mentre nessun agricultore si chiama parigino, nemmen quasi a vista di Parigi.
Questa adesione del contado alla città, ove dimorano i più autorevoli, i più opulenti, i più industri, costituisce una persona politica, uno stato elementare, permanente e indissolubile. Esso può venir dominato da estranee attrazioni, compresso dalla forza di altro simile stato, aggregato ora ad una ora ad altra signoria, denudato d’ogni facoltà legislativa o amministrativa. Ma quando quell’attrazione o compressione per qualsiasi vicenda vien meno, la nativa elasticità risorge, e il tessuto municipale ripiglia l’antica vitalità. Talora il territorio rigenera la città distrutta. La permanenza del municipio è un altro fatto fondamentale e quasi comune a tutte le istorie italiane.
Pour aller plus loin:
- Le texte intégral en ligne ainsi que d’autres œuvres de Carlo Cattaneo sur le site Liber Liber.
- Sur le même site, un choix de textes de Giuseppe Ferrari et de Carlo Pisacane. Du premier, toujours sur les « Cinq journées de Milan », on pourra lire en français, Machiavel, juge des révolutions de notre temps, Paris, Payot, 2003, avec une préface de Georges Navet. Plusieurs de ces livres ont été publiés durant son exil parisien. On trouvera par exemple sur Gallica son Histoire de la raison d’état (Paris, Maurice Lévy, 1860).
- Sur l’histoire de l’unité italienne, Gilles Pécoult, Naissance de l’Italie contemporaine, 1770-1922, Nathan, 1997; rééd., Armand Colin, 2004. Le titre de sa traduction italienne est parfaitement explicite: Il lungo Risorgimento, La nascita dell’Italia contemporanea (1770-1922) (Milano, Mondadori, 1999).