Un honnête travailleur (montage).

  

Dès le début j’étais pris, voire obsédé par ma tâche,
par l’ordre reçu. Chaque nouvel obstacle ne faisait que stimuler mon zèle. Je ne voulais pas capituler. Mon ambition ne me le permettait pas. Je ne voyais plus que mon travail.

L’absence de compréhension de mes supérieurs
me mettait presque au désespoir. J’ai engagé toutes mes connaissances, toute ma volonté dans l’accomplissement de ma tâche, je me suis entièrement consacré à elle mais ils n’y voyaient qu’une espèce de jeu. Selon eux j’étais obsédé par mon devoir et je ne voyais rien d’autre.

Il y avait à mes côtés quelques collaborateurs
vraiment bons et dignes de confiance mais malheureusement ce n’étaient pas eux qui occupaient les postes importants. Ceux-là j’étais obligé de les surcharger de travail et je m’apercevais souvent trop tard combien le travail excessif était nuisible.

Dans cette atmosphère d’incertitude,
ne voyant plus autour de moi à qui me fier, je devins un autre homme. Je voyais toujours, jusqu’à preuve du contraire, uniquement le bon côté des hommes qui m’entouraient, surtout quand il s’agissait de camarades. Cette confiance me jouait souvent de mauvais tours. Mais là où mes soit disant collaborateurs me trompaient à chaque pas, m’apportaient quotidiennement de nouvelles déceptions, j’ai changé. Je suis devenu méfiant ; je voyais partout le désir d’abuser de moi, je voyais partout le pire. Dans chaque personne nouvellement rencontrée, je flairais le mal. J’ai blessé ainsi plusieurs braves gens qui se sont ensuite détournés de moi.

Je me renfermais de plus en plus en moi-même.
Je suis devenu dur et inaccessible. Ma famille et surtout ma femme en souffraient, car j’étais souvent insupportable. Je ne voyais plus que mon travail, mon devoir.

Même des étrangers déploraient ma conduite ;
mais je ne voulais plus changer. Sous l’effet de ces profondes déceptions je suis tombé dans une sorte de misanthropie. Pendant des réunions avec des intimes, il m’arrivait de devenir d’un seul coup muet, rébarbatif ; j’aurais préféré m’enfuir pour rester seul et ne plus voir personne. Je faisais un grand effort pour me maîtriser, je cherchais un dérivatif dans l’alcool et je redevenais gai, bavard et même gaillard.

Je voudrais souligner ici
que personnellement je n’ai jamais éprouvé de haine contre les juifs. Certes ils étaient pour moi des ennemis de notre peuple, mais, c’était selon moi, la raison pour laquelle il fallait les considérer comme les autres prisonniers et les traiter de la même façon. De ce point de vue je n’ai jamais fait de différence entre eux. D’ailleurs la haine est pour moi un sentiment étranger.

  

Rudolf Höss , directeur du camp d’extermination d’Auschwitz de 1940 à 1943, responsable par la suite de l’Aktion Höss, autrement dit de l’extermination massive des Juifs hongrois dans les chambres à gaz. Pendu en 1947.

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