III
en Irlande aussi
il est des lieux où nul oiseau ne chante
où le passé envahit le présent
où les siècles frémissent dans une feuille
où les errants croisent les errants
où une âme divisée et confinée ne cesse
d’exercer notre oreille à entendre
ce concert de tristesse qui monte
de derrière tous les murs barbelés
VIII
sauvez un être c’est un monde que vous sauvez certes
mais tuez-en un et
en toute chose quelque chose disparaît
c’est pourquoi nous qui avons perdu
les provinces de l’espoir
qui avons eu notre holocauste en
l’an de disgrâce 1847
tous ces siècles d’exil
dans notre propre pays
ces massacres trop nombreux à rappeler
nous avons dans le sang une tristesse
une démarche une manière un accent
une sorte de rythme amer une ombre blessée
nous portons comme vous
notre humour en bandoulière
avec le sentiment d’avoir tous perdu
une part de ce que nous aurions dû être
Desmond Egan, Holocauste de l’automne, Évian, Alidades, 1998. Traduction de Jean Poncet.
Voir aussi les notes d’Emmanuel Malherbet sur la poésie irlandaise.
III
in Ireland also
there are places where no bird sings
where the past overgrows the present
where centuries quiver in a leaf
where wanderers meet wanderers
where a soul split and bordered still
sharpens our ear for
that orchestra of sadness wafting
from behind all the barbed walls
VIII
save one person save a world yes
but kill one and
something goes out of everything
that is why we who lost
the provinces of hope
who had our own holocaust in
medieval 1847
all the centuries of exile
in our own country
massacres too many to mention
carry a sadness in the blood
a walk a look an accent
some bitter rhythm a wounded shadow
wear like you
humour as a vest
sensing that each of us has lost
part of what we should have been