Cìncali (Marcinelle), par Mario Perrotta et Nicola Bonazzi.

 

(L’extrait que nous présentons, traduit et interprété par Hervé Guerrisi, est dit en son nom propre dans la version française)

HERVÉ: 1946. 17 morts italiens dans les mines belges, dans des incidents divers
1947: 32 morts italiens
1948: 37 italiens
1949: 41 italiens
1er Mars 1950. Suite aux lamentations publiques de quelques mineurs italiens, le quotidien La Nation Belge se moque de ces déclarations en les définissant de “colporteurs de bruits les plus exagérément fantaisistes”
Mai 1950, mine de Trazegnies: 40 morts, 3 italiens. 37 autres italiens dans la même année dans des incidents divers.
1951: Création de la CECA, Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier. L’accord signé par la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique prévoit de s’occuper entre autre de l’amélioration des conditions de travail des mineurs. La même année : 51 morts italiens dans les mines.
Mars 1952 Grève des mineurs des bassins du Borinage et de Charleroi
Juin 1952 Double drame à Charleroi: 10 morts, 6 italiens. 46 autres italiens mourront la même année
1953: 101 italiens, un tous les trois jours
1954: 56 italiens
1955 38 italiens
Juillet 1956: Le journal italien l’Unità publie enfin un article dénonciateur très circonstancié sur les conditions de travail des mineurs en Belgique.
Quelques jours plus tard:
8 Août 1956 Marcinelle: 262 morts, 136 italiens.
8 heures du matin. Bassin de Charleroi, Marcinelle, nom de la mine : Amer-Cœur. Durant sa remontée en surface, un chariot plein de charbon, en cognant contre les parois du puits sans protection, arrache une poutrelle, tranche les fils de l’alimentation électrique, la conduite d’huile et le tube d’air compressé. C’est le début de l’enfer. Les flammes provoquées par le court-circuit se propagent rapidement du lieu de l’incident aux échafaudages de bois des galeries inférieures. Les mineurs au travail ce matin là sont bloqués dans les galeries sans aucune possibilité d’échappatoire.
Espérant trouver des survivants au feu et les sauver de l’asphyxie, les secours tentent de rejoindre la galerie la plus basse au niveau 1035 en perforant un passage transversal à partir du niveau 907. La chaleur terrible, la chute de pierres et le câble de sortie d’air qui fond empêchent le début des travaux. La communication entre la surface et le fond est complètement interrompue. L’Italie retient son souffle. Nous sommes face au premier scoop en direct de la télévision italienne. Dans les bars, on reste tous serrés les uns aux autres en attendant des nouvelles informations. Le 12 Août seulement, il sera possible de rejoindre le niveau 907. Dans les galeries, il n’y a que des cadavres (quand il est possible de les reconnaître comme tel): Des corps foudroyés par le feu encore dans la position de travail, d’autres asphyxiés par le gaz et par la fumée. Plusieurs cadavres sont retrouvés sous 90 centimètres d’eau utilisée pour éteindre le feu. Les derniers corps sont récupérés le 22 Août du côté du niveau 1035 mètres.
Trois ans après la catastrophe, le tribunal de Charleroi fermera le procès avec une sentence d’acquittement général. Quelques jours avant la tragédie de Marcinelle, la presse belge parlait en ces termes des mineurs italiens: “… Nous n’avons plus besoin des italiens…” Pire, le ministre belge du travail et de la prévention sociale, Mr Van den Daele, déclaration officielle : ” Les italiens ne sont bons qu’à venir crever chez nous…”
1957: 47 morts italiens
1958: 32 morts
1959: 25
1960: 34
1961: 25
1962: 29
1963: 23 Etcetera, etcetera…

Traduit par Hervé Guerrisi. Spectacle créé en français le 28 avril 2011 aux Écuries de la Maison Haute de la Vénerie à Bruxelles (Belgique).

Le 8 août 1956, le bois du Cazier à Marcinelle est le théâtre de la plus importante catastrophe minière en Belgique causée par un incendie, avec 262 victimes (dont 136 Italiens, 95 Belges, 8 Polonais, 6 Grecs, 5 Allemands, 3 Hongrois, 3 Algériens, 2 Français, 1 Anglais, 1 Néerlandais, 1 Russe et 1 Ukrainien) sur les 274 hommes présents dans la mine. 22 des victimes italiennes étaient originaires d'un même village des Abruzzes. À cette époque, 47.000 Italiens travaillent dans les mines de Belgique, constituant à eux seuls plus de 30% des mineurs du pays et plus de 50% de ceux de la région de Charleroi.

 

Pour aller plus loin:

1-Quelques liens:

2-Bibliographie:

  • Éric Brogniet, « Le bois du Cazier »,  texte publié dans Suivez mon regard, Namur : Institut du Patrimoine Wallon, 2011.
  • Julie Urbain – Marie-Louise De Roeck – Paul Lootens, Tutti Cadaveri, Le procès de la catastrophe du Bois du Cazier à Marcinelle, Aden, Bruxelles, 2006.
  • Edmondo de Amicis, Sur l’océan, Paris, Payot, 2004. Un très grand roman-reportage sur la traversée des émigrants entre Gênes et le Rio de la Plata en 1884, à l’aube de la « grande émigration ».
  • Melania Mazzucco, Vita, Paris, Flammarion, 2004.
  • Pierre Milza, Voyage en Ritalie, Paris, Plon, 1993. Sur les émigrés italiens en France.

En italien:

  • Mario Perrotta, Emigranti esprèss, Fandango libri, Rome, 2009. Recueil de témoignages qui vient prolonger le spectacle.
  • P. Bevilacqua, A. De Clementi et E. Franzina, Storia dell’emigrazione italiana. 2 vol.: Partenze-Arrivi, Donzelli, Rome, 2001-2002.

3-Filmographie:

De très nombreux films noirs américains et français abordent l’histoire de l’émigration italienne par celui du banditisme organisé. Ils sont bien peu à évoquer une réalité beaucoup plus communément partagée, non dépourvu pour autant d’un caractère

  • Emmanuele Crialese, The golden door (Italie-2004). Une famille d’émigrants calabrais traverse l’Atlantique pour New York.
  • Franco Brusati, Pane e cioccolata, (Italie,-1973). Voir un extrait à la fin de cet article.
  • Mario Perrotta, Italiani cincalì, parte prima. Minatori in Belgio, DVD L’Unità Teatro incivile, 2006. Il s’agit de la captation du spectacle.

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