Le site de la Ligue des Droits de l’Homme de Toulon existe depuis 2004. Il compte à ce jour 4 500 articles, pour une moyenne de 2 900 visiteurs uniques par jour. Il n’a pas pour seul objectif de refléter la vie de la section, du reste très active dans une région où les débats sont souvent passionnés. Son champ est celui de la Ligue des droits de l’homme, pour laquelle il constitue au fil des ans un fonds inestimable de documentation et de réflexion.
Ce travail unique est dû pour l’essentiel à l’énergie de son rédacteur en chef, François Nadiras. Professeur de mathématiques en retraite, il a été parmi les initateurs du site, ainsi que son concepteur technique. Il en est toujours aujourd’hui le plus actif rédacteur. Par son sérieux et la régularité de ses contributions, il attire désormais des plumes prestigieuses et enviées.
La Ligue des Droits de l’Homme a été créée en 1898, à l’occasion de l’affaire Dreyfus. Ce vocable un peu vieilli désigne une simple association, dont la particularité est d’être administrativement centralisée, mais d’offrir une grande autonomie d’action aux sections locales, dans le respect des valeurs communes. La Ligue a connu son heure de gloire dans l’entre-deux-guerres, alors qu’elle œuvrait à la réhabilitation des fusillés pour l’exemple –combat toujours actuel. Elle compte en 1933 quelques 180 000 adhérents, pour seulement 9 300 fin 2011. Si ses moyens sont désormais limités, elle a rompu depuis longtemps avec certaines positions qui pour être dans l’esprit du temps, n’en étaient pas moins discutables -notamment sur la colonisation. Son poids moral en est sorti renforcé.
La section de Toulon est née en 1987. Militant à Amnesty international, François Nadiras y adhère en 1995, alors que le Front National s’empare de la Mairie à l’issue d’une triangulaire. Comme d’autres villes du sud-est, Toulon peine à se départir d’un fond de nostalgie pour l’Algérie française. À l’échelle régionale, cela n’est pas sans expliquer la persistance d’un racisme anti-arabe.
En juin 2004, retraité de l’Éducation nationale, il conçoit un site qu’il veut simple et lisible, avec quelques rubriques et sous-rubriques, pour que chacun puisse y voyager commodément. En exergue, on peut lire cette phrase de Pierre Vidal-Naquet: « Si l’Histoire sert à quelque chose, c’est à ouvrir les yeux. » Une façon “humaniste” de lier curiosité, érudition et exigence morale.
François Nadiras dit avoir été marqué par les propos de Simone de Bollardière, veuve du général qui s’est opposé à la torture pendant la Guerre d’Algérie. À la différence des généraux putschistes, celui-ci n’a pas été réhabilité par François Mitterrand en 1982. Pour imposer cette amnistie, le Président avait dû faire usage de l’article 49-3, un camouflet infligé à sa propre majorité, menée par Pierre Joxe. « Il faut savoir désobéir, confie Simone de Bollardière à un journaliste de Var matin en 2001, apprendre à dire « non », à la drogue, aux autres, etc. »1
En huit ans d’existence, le site a pris part à de nombreux débats. Le combat pour une juste mémoire de l’Algérie coloniale y revêt, contexte oblige, une importance particulière. Mais d’une façon générale, la rubrique « Histoire et colonies » est parmi les plus importantes: on y trouve des mises au point claires et documentées sur des sujets passés sous silence ou volontiers polémiques: ainsi l’expédition Voulet-Chanoine et l’assassinat de Ruben Um Nyobé, ou l’origine du génocide rwandais.
Le site est devenu un point de contact pour des chercheurs venus de différents horizons. Il accompagne l’action d’associations comme les Anciens Appelés d’Algérie et leurs Amis contre la Guerre –La 4ACG– ou l’Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs amis –L’ANPNPA.
Il soutient ceux qui ont payé cher leur courage, comme les archivistes Philippe Grand et Brigitte Lainé, lourdement sanctionnés de n’avoir pas respecté le « devoir de réserve ». En février 1999, l’un et l’autre ont témoigné en faveur de Jean-Luc Einaudi, lors d’un procès en diffamation intenté par Maurice Papon, concernant sa responsabilité dans le massacre du 17 octobre 1961.
Il a immédiatement relayé, en novembre 2011, l’initiative de la journaliste Rosa Moussaoui et de l’historien Alain Ruscio contre le transfert des cendres du général Bigeard aux Invalides. Un an plus tard, celles-ci sont finalement accueillies au Mémorial des Guerres en Indochine, à Fréjus. La cérémonie a lieu en présence de Jean-Yves Le Drian, Ministre de la défense et membre du Parti socialiste, qui s’inscrit ainsi dans la continuité de son prédécesseur, Gérard Longuet.
Mais la mémoire et l’histoire ne sont pas ses seuls terrains d’étude et de lutte. Un imposant dossier est ainsi consacré aux « Roms et gens de voyages », un autre à la « peine de mort », un troisième aux différentes formes de fichage et à leurs conséquences à plus ou moins long terme. La liste n’est pas exhaustive.
Par son travail quotidien, François Nadiras incarne ce qu’Étienne Balibar a fort élégamment nommé « l’état d’urgence démocratique ».
Illustration de Pauline D. (classe de CM2 1999-2000 de l’École publique de Saint-Paul-de-Varces) pour le poème « Quartier libre » de Jacques Prévert. Illustration choisie par François Nadiras.
Pour aller plus loin:
- Le site de la LDH Toulon, dont nombre de contributions sont signalées en cours d’article.
- Le site de la LDH France et sa page Urgences-Libertés.
- Article et entretien de Rémi Leroux (Rue 89) avec François Nadiras en 2008: « Une indéniable volonté du Président de ficher les Français. »
- Sur l’usage de la drogue, François Nadiras a des positions libérales. [↩]