À l’instar du Portugal et du Royaume-Uni, mais de manière plus tranchée, la France a connu deux espaces coloniaux, presque sans continuité géographique et historique. Du premier, constitué dès le seizième siècle et qui connaît son apogée deux siècles plus tard, il ne reste quasiment rien à la fin du Premier Empire: les cinq comptoirs des établissements français de l’Inde, l’île de Gorée au Sénégal, quelques îles des Antilles (Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin…), ainsi que la Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le second Empire colonial s’ouvre avec la conquête de l’Algérie en 1830 –conquête suivie, on le sait, de décennies de “pacification”. Cet ensemble est appelé à devenir le deuxième au monde, juste après l’Empire britannique.
Dans cette histoire singulière, l’île de Madagascar présente une particularité: elle est, avec le Sénégal, le seul pays à avoir été lié aux deux espaces coloniaux. Les velléités de conquête française remontent ici au dix-septième siècle, et même un siècle plus tôt si l’on inclut les voyages d’exploration. Ces velléités se précisent tout au long du dix-neuvième siècle, avec une pénétration économique et religieuse d’abord -sur ce terrain, le protestantisme britannique se révèle plus efficace que le catholicisme français. S’y joignent, autour de 1885 –année que l’historien Gilles Manceron qualifie de « tournant colonial » de la République- des avancées diplomatiques, qu’un autre historien appellera plus tard le « protectorat fantôme ».
La conquête militaire de 1895 est fulgurante et trompeuse. Hazo et Tazo, la forêt et la fièvre, les deux généraux de la reine Ranavalona III, ont raison d’un tiers du corps expéditionnaire. Les combats eux-mêmes ne font que quelques morts côté français. Du côté malgache, comme toujours, on ne cherche pas à compter, mais on lit bien çà et là que les pertes sont « considérables ». Le royaume Merina placé sous domination française, la révolte gronde dans tout le pays. La conquête du général Duchesne laisse place, dès l’année suivante, à la “pacification” du nouveau général Gallieni, tout juste rentré du Tonkin.
Quand Gallieni rejoint Tananarive, en septembre 1896, il est doté des pleins pouvoirs, civils et militaires. Il les conserve jusqu’en 1905.
Pour aller plus loin:
- Madagascar: récit d’une colonisation (1): De la Compagnie d’Orient au Protectorat fantôme : Madagascar et la France avant la colonisation (1643-1885).
- Madagascar: récit d’une colonisation (2): Protectorat, possession ou annexion: une valse diplomatique au rythme des canonnières (1885 – 1895).
- Madagascar: récit d’une colonisation (3): Guerre et pacification: les « pleins pouvoirs » du général Gallieni (1895 – 1905).
- Le massacre d’Ambiky en 1897, par Paul Vigné d’Octon.
- Madagascar 1947, les morts sans nombre d’une insurrection. Entretien avec Jean-Luc Rahiramanana.