Madagascar: récit d’une colonisation (introduction), par Olivier Favier.

 

À l’instar du Portugal et du Royaume-Uni, mais de manière plus tranchée, la France a connu deux espaces coloniaux, presque sans continuité géographique et historique. Du premier, constitué dès le seizième siècle et qui connaît son apogée deux siècles plus tard, il ne reste quasiment rien à la fin du Premier Empire: les cinq comptoirs des établissements français de l’Inde, l’île de Gorée au Sénégal, quelques îles des Antilles (Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin…), ainsi que la Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le second Empire colonial s’ouvre avec la conquête de l’Algérie en 1830 –conquête suivie, on le sait, de décennies de “pacification”. Cet ensemble est appelé à devenir le deuxième au monde, juste après l’Empire britannique.

Dans cette histoire singulière, l’île de Madagascar présente une particularité: elle est, avec le Sénégal, le seul pays à avoir été lié aux deux espaces coloniaux. Les velléités de conquête française remontent ici au dix-septième siècle, et même un siècle plus tôt si l’on inclut les voyages d’exploration. Ces velléités se précisent tout au long du dix-neuvième siècle, avec une pénétration économique et religieuse d’abord -sur ce terrain, le protestantisme britannique se révèle plus efficace que le catholicisme français. S’y joignent, autour de 1885 –année que l’historien Gilles Manceron qualifie de « tournant colonial » de la République- des avancées diplomatiques, qu’un autre historien appellera plus tard le « protectorat fantôme ».

La conquête militaire de 1895 est fulgurante et trompeuse. Hazo et Tazo, la forêt et la fièvre, les deux généraux de la reine Ranavalona III, ont raison d’un tiers du corps expéditionnaire. Les combats eux-mêmes ne font que quelques morts côté français. Du côté malgache, comme toujours, on ne cherche pas à compter, mais on lit bien çà et là que les pertes sont « considérables ». Le royaume Merina placé sous domination française, la révolte gronde dans tout le pays. La conquête du général Duchesne laisse place, dès l’année suivante, à la “pacification” du nouveau général Gallieni, tout juste rentré du Tonkin.

Quand Gallieni rejoint Tananarive, en septembre 1896, il est doté des pleins pouvoirs, civils et militaires. Il les conserve jusqu’en 1905.

Une photographie des Funérailles nationales du général Gallieni, dans la France illustrée n°3823 du 10 juin 1916. Pierre Loti écrit: "Quand (les troupes) eurent toutes passé, on vit paraître, inattendues et saisissantes, des sections au visage tout noir sous la coiffure bleue: Sénégalais ou Sahariens, qui vinrent se ranger près du cercueil pour le tableau final, afin d'envelopper d'exotisme le héros dont c'était la dernière fête, et de rappeler aux mémoires cette Afrique lointaine, qu'il avait tant contribué à rendre française."

Pour aller plus loin:

Ce texte reprend et prolonge la conférence donnée à Tours le 24 mai 2012, à l’invitation de l’association Touraine-Madagascar. Merci à Jean Rouault pour son précieux soutien documentaire et à Jean-Luc Raharimanana pour son regard critique. Cette recherche se veut aussi le prolongement en amont d’un entretien sur l’insurrection de 1947, avec le même Jean-Luc Raharimanana. Toutes les contributions de ce site sur l’histoire coloniale sont classées dans la rubrique Histoire(s) d’Afrique. Nombre d’entre elles -et en particulier celle-ci- participent d’une recherche globale sur les Lieux d’oubli en France.
La photographie et le texte de Pierre Loti qui l’accompagne proviennent du site greatwardifferent.

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