L’Ukraine, la Russie et l’Occident. Dossier.

 
Commençons par quelques précautions d’usage. Je ne partage pas, loin s’en faut, toutes les positions de Giuletto Chiesa. Dans l’article qui suit, on ne peut cautionner une phrase telle que « le gouvernement américain (s’est) marié avec les nazis ukrainiens émigrés aux USA ».  Il est néanmoins bon de rappeler  que le recyclage d’anciens nazis par les États-Unis a servi dans bien des cas -et ce n’est du reste un secret pour personne.

De même, Otpor n’a pas été fondé, mais a bien été largement financé, par des organisations occidentales de « soutien à la démocratie » telles que le National Endowment for Democracy, l’Open Society Institute du milliardaire américain George Soros ou encore la Freedom House. On retrouve d’ailleurs deux activistes serbes d’Otpor, Stanko Lazendic et Aleksandar Maric, comme conseillers de cette dernière organisation en Ukraine en 2004, lors de la « Révolution orange ».

Ces précisions faites, si j’ai choisi de traduire et de publier l’article de ce journaliste italien -plutôt que de le citer dans un compte-rendu – c’est qu’il me semble apporter plusieurs éléments intéressants.

La presse française a largement accrédité la thèse d’une opposition pro-européenne et d’un gouvernement pro-russe.

Cette thèse a été battue en brèche, souvent de manière outrancière, et de ce fait inaudible, par ceux qui se sont inquiétés de la présence d’éléments d’extrême-droite -ouvertement néonazis- aux avant-postes de la contestation, tendant de ce fait à réduire le mouvement à cette seule composante. Sur ce sujet, je vous invite à lire l’appel des chercheurs ukrainiens en deuxième partie du dossier.

D’autres personnes, séduits par les images spectaculaires des affrontements, ont cédé à l’exaltation insurrectionniste, au nom de la « spontanéité révolutionnaire » théorisée en d’autres temps et dans d’autres circonstances par Rosa Luxemburg. Derrière la spontanéité des manifestants – dont rappelons-le, environ quatre-vingts sont morts sous les coups et les balles de la police et des services spéciaux – il y a de toute évidence des intérêts très divers -on ne peut donc qualifier de révolutionnaire un mouvement qui mêle des mouvances totalement opposées – et surtout des pressions extérieures considérables. Comment croire par exemple que Bernard-Henri Lévy ne ment pas effrontément quand il dit « ne pas avoir vu de néo-nazis » à Kiev, alors même que les drapeaux du parti national-socialiste ukrainien Svoboda flotte dans le décor filmé derrière lui?

Giuletto Chiesa, on le sait, se garde bien d’avoir des mots trop durs pour Vladimir Poutine. Pour autant, si des médias italiens aussi divers que Il fatto quotidiano ou Il Manifesto continuent de le publier, c’est d’abord pour son accès à d’autres perspectives qui peuvent permettre, avec quelque distance critique, de corriger celles non moins partielles du discours dominant.

Ce qui a manqué cruellement dans la presse française, alternative ou non, c’est bien une analyse fouillée du rôle joué par les États-Unis et l’Union européenne dans un pays qui, rappelons-le, est une pièce maîtresse dans l’échiquier géostratégique et économique de la Russie. Que cette dernière ne soit plus la grande puissance « communiste » d’avant 1989 n’a pas pour autant mis fin aux scénarios hérités de la Guerre froide: ceux-ci ont simplement perdu leurs prétextes idéologiques tranchés qui donnaient jusque-là une caution idéologique aux rivalités internationales.

Une fois de plus cependant, si la situation devait dégénérer en Ukraine, comme elle l’a fait en Irak, en Syrie ou en Afghanistan, ce ne serait en rien le fruit du hasard.

Le lecteur trouvera enfin, à la suite de cet article et de l’appel des chercheurs ukrainiens, d’autres éléments glanés dans la presse de ces dernières semaines.

Bernard-Henri Lévy, Kiev, février 2014.

Bernard-Henri Lévy, Kiev, février 2014.

En Ukraine, l’Occident ouvre la boîte de Pandore, par Giuletto Chiesa.

«L’adjoint du Secrétariat d’État Victoria Nuland a dit au National Press Club de Washington, en décembre dernier, que les États-Unis ont investi 5 milliards de dollars (…) afin de donner à l’Ukraine le futur qu’elle mérite» écrit Paul Craig Roberts sur son blog. C’est un ancien adjoint au Trésor des USA et ce qu’il dit est documenté. Et j’ai lu que Nuland a déjà choisi les membres du futur gouvernement ukrainien pour le moment où Ianoukovytch serait évincé (ou descendu). L’Ukraine pourra ainsi avoir «le futur qu’elle mérite».

Mais quel futur mérite l’Ukraine, les Ukrainiens ? À voir comment les choses tournent aucun: il n’y aura pas d’Ukraine. Dans le fracas indescriptible de mensonges que font gronder les médias mainstream la principale chose qui manque dans l’absolu est la constatation banale que Viktor Ianoukovytch, l’énième «dictateur sanguinaire» de la série, a été élu par une large majorité des Ukrainiens. Personne ne contesta l’élection quand il battit Viktor Iouchtchenko, même si ce fut dur à avaler pour ceux qui avaient financé l’ascension de Iouchtchenko. Et lui avait même procuré une épouse. Peu de gens savent que la seconde femme de Iouchtchenko s’appelle Kateryna Tchoumatchenko, qu’elle venait directement du Département d’État américain (chargée des «droits de l’homme»). Encore moins de gens savent que Kateryna, avant de faire carrière à Washington, avait été une des membres les plus actives et influentes de l’organisation néo-nazie OUN-B de sa ville natale, Chicago. OUN-B pour Organisation des Nationalistes Ukrainiens de Stepan Bandera.

L’OUN-B, rien moins que défunte, a donné vie au Parti Svoboda, dont le mot d’ordre est «l’Ukraine aux Ukrainiens», le même que Bandera brandissait en collaborant avec Hitler durant la seconde guerre mondiale. Du reste Kateryna avait dirigé le Comité du Congrès ukrainien, dont l’inspirateur était Jaroslav Stetsko, bras droit de Stepan Bandera. Ce qui revient à dire que le gouvernement américain s’était marié avec les nazis ukrainiens émigrés aux USA, avant de mettre Kateryna dans le lit de Iouchtchenko.

Les résultats électoraux du parti national-socialiste ukrainien région par région en 2012.  Son succès est évidemment moindre dans l'Est du pays, majoritairement russophone. Il obtient ses meilleurs résultats notamment dans la région de Lviv, polonaise avant la seconde guerre mondiale.

Les résultats électoraux du parti national-socialiste ukrainien région par région en 2012. Son succès est évidemment moindre dans l’Est du pays, majoritairement russophone. Il obtient son meilleur résultat dans la région de Lviv, polonaise avant la seconde guerre mondiale.

De cela non plus la presse mainstream ne parle pas. Mais j’ai fait cette digression pour dire que, bien sûr, les Ukrainiens ont tout à fait le droit d’être mécontents, très mécontents de Ianoukovytch. Et d’avoir changé d’idée. Nous aussi nous avons tout à fait le droit d’être mécontents de Napolitano ou du gouvernement, mais cela ne signifie pas que nous pensons qu’il soit juste de prendre d’assaut le Quirinal [Palais présidentiel] à coups de cocktails Molotov d’abord, puis de fusils d’assaut.
Il aurait été essentiel de tenir compte de ces données. Mais le plan, de longue date, des États-Unis, était celui d’absorber l’Ukraine dans l’Occident. Toute entière si possible.

Voyez ce qu’écrivait en 1997 le polonais Zbigniew Brzeziński: «Si Moscou reprend le contrôle de l’Ukraine, avec ses 52 millions d’habitants et ses ressources importantes, en reprenant le contrôle sur la Mer Noire, la Russie retournera automatiquement en possession des moyens nécessaires pour redevenir un état impérial». Voilà donc la raison des 5 milliards dont parle Victoria Nuland. Après la chute de Iouchtchenko, durant ces années des dizaines d’Ong, de fondations, d’instituts de recherche, d’universités européennes et américaines, et canadiennes, ont envahi la vie politique de l’Ukraine. Quelques noms ? Freedom House, National Democratic Institute, International Foundation for Electoral Systems, International Research and Exchanges Board. Et, pendant qu’on «faisait de la culture», et qu’on achetait toutes les plus importantes chaînes de télévision et de radio du pays, une partie des fonds servaient pour financer les formations paramilitaires que nous voyons à l’œuvre sur la place Maïdan. Qui, grâce à ces aides, se sont multipliées.

C’est le Pravij Sector («Secteur droit» et «Spilna Prava») qui émerge aujourd’hui, mais le journal polonais Gazeta Wiborcza a parlé de formations paramilitaires polonaises qui agissent à Maïdan. Et la place pullule d’agents de services secrets occidentaux: ils l’ont fait en Syrie, pourquoi ne le feraient-ils pas à Kiev? C’est même plus facile: Ianoukovytch, dictateur sanguinaire, se montre plus mou que Milosevic, autre dictateur sanguinaire qui fut battu électoralement par Otpor (fondé et largement financé par les Usa). Du déjà vu donc. Demeure un problème: Poutine n’est pas un pèlerin ingénu.

C’est cela le peuple ukrainien? Bien sûr ils sont des milliers, et même des dizaines de milliers, à montrer le niveau de colère populaire contre un régime inepte (pas davantage de ceux des précédents amis de l’Occident, Kravtchouk, Koutchma, Iouchtchenko, Tymochenko), mais l’identité de leurs guides est claire jusque sur les images télévisées. C’est l’ancienne Galicie, précédemment polonaise, et la Transcarpathie.

Si Ianoukovytch tombe ce seront eux qui prendront le pouvoir, ce sera une diaspora sanglante. Les premiers à s’en aller seront les Russophones de l’est et du nord, du Donbass des mineurs, qui sont déjà en train de dresser leurs défenses. Et aussitôt après ce sera la Crimée, qui a déjà dit presque unanimement qu’elle entend rester du côté de la Russie, aussi pour se préserver de la fureur anti-russe de ceux qui prendront le pouvoir. C’est le début des sécessions, difficilement prévisibles à ce jour, aux contours indéfinis, qui produiront non pas des fronts militaires mais des représailles sauvages à l’intérieur de communautés qui ne seront plus solidaires.

L’Europe, fidèle exécutrice des plans de Washington, a ouvert la boîte de Pandore. Qui maintenant va lui exploser entre les mains. Les nouveaux locataires se seront bien sûr mis d’accord (tant que Poutine aura la garantie que le Rubicon de l’entrée dans l’Otan ne sera pas franchi), mais ceux qui seront descendus armés dans la rue ont en tête une idée de l’Europe bien différente de celle que se figure Bruxelles. Et ceux qui de bonne foi ont marché derrière les néonazis – et ils sont sûrement nombreux – s’attendent à entrer en Europe demain. Ils seront terriblement déçus quand ils devront commencer à payer, et ne pourront toutefois pas entrer, parce que cela n’est pas prévu dans les documents de Vilnius.

Le seul parmi les commentateurs italiens qui ait écrit des choses sensées a été Romano Prodi, mais il les a écrites sur l’International New York Times. Tourné vers les Européens ils les a invités à ne pas mettre dans leur viseur le seul Ianoukovytch, mais à condamner aussi les révoltés. Et il a ajouté : «Impliquer Poutine», vu que que toutes les parties ont « beaucoup à perdre et rien à gagner à des violences ultérieures ». Juste mais optimiste. Ceux qui ont préparé le dîner veulent maintenant manger et ils ne s’arrêteront pas. Et l’hystérie anti-russe est le meilleur condiment pour d’autres aventures.

Article originellement paru sur Il Manifesto, 21/02/2014. In Ucraina, l’Occidente apre il vaso di Pandora. Traduit par Olivier Favier.

Provocateur Dmytro Korchynskiy is the leader of the Ukrainian radically nationalist "Brotherhood" group. He was the most prominent participant of the supposedly far right attack on the Ukrainian Presidential Administration on December 1st, 2013. Before, he had been cooperating with Russian anti-Western organizations like the International Eurasian Movement and the Kremlin-organized youth organization "Nashi" (Ours). Korchynskiy is now on Ukraine's international wanted list, and is hiding in Russia.

Le provocateur Dmytro Korchynskiy est le leader du groupe nationaliste ukrainien radical « Fraternité ». C’était l’un des plus importants participants de l’attaque soit-disant d’extrême-droite de l’administration présidentielle ukrainienne, le 1er décembre 2013. Auparavant, il avait coopéré avec les organisations russes anti-occidentales comme le Mouvement Eurasien et l’organisation de jeunesse  « Nashi » (Ours), pilotée par le Kremlin. Korchynskiy est maintenant sur la liste des personnes recherchées par l’Ukraine au niveau international, et il se cache en Russie.

L’Euromaïdan de Kiev est un mouvement de masse de libération non extrémiste de désobéissance civique.

Tel est le titre donné par une déclaration collective d’experts du nationalisme ukrainien sur le rôle des groupes d’extrême droite au sein du mouvement protestataire en Ukraine, et un avertissement sur les services rendus à l’impérialisme russe par des reportages à Kiev, supposément antifascistes. En voici la traduction:

Nous sommes un groupe de chercheurs comprenant des spécialistes dans le domaine des études sur le nationalisme ukrainien, et nous sommes pour la plupart des experts de la droite radicale ukrainienne post-soviétique. Plusieurs d’entre nous publient régulièrement dans des journaux scientifiques et dans la presse universitaire. D’autres mènent leurs recherches au sein d’organisations gouvernementales ou non-gouvernementales, spécialisées dans l’observation de la xénophobie en Ukraine.

Du fait de notre spécialisation professionnelle et de notre expérience de recherche, nous sommes conscients des problèmes, des dangers et des conséquences potentielles de l’engagement de certains groupes extrémistes de droite dans les manifestations ukrainiennes. Après des années d’études approfondies sur ce sujet, nous comprenons mieux que beaucoup d’autres commentateurs, les risques que cette participation de l’extrême droite entraîne pour l’Euromaïdan. Plusieurs de nos commentaires critiques envers les tendances nationalistes ont déclenché des réponses de colère de la part d’ethnocentristes en Ukraine et dans la diaspora ukrainienne en Europe de l’ouest.

Bien que nous soyons critiques envers l’activisme de l’extrême droite dans l’Euromaïdan, nous sommes néanmoins choqués par une dangereuse tendance qui se manifeste dans trop de reportages des médias internationaux au sujet des récents événements en Ukraine. Un nombre croissant d’évaluations du mouvement protestataire ukrainien, à un degré ou à un autre, déforment le rôle, la prépondérance et l’impact de l’extrême-droite ukrainienne dans le mouvement protestataire. De nombreux reportages prétendent que le mouvement pro-européen a été infiltré, qu’il est conduit ou dominé par des groupes radicaux ethnocentristes et fanatiques. Plusieurs présentations donnent l’impression trompeuse que les acteurs ultranationalistes et leurs idées sont le cœur ou le moteur des manifestations ukrainiennes. Les photographies graphiques, les citations croustillantes, les comparaisons excessives et les sombres références historiques sont très demandées. Tout cela se mêle avec une prise en compte disproportionnée d’un élément particulièrement visible, bien que politiquement mineur, dans la mosaïque confuse formée par les centaines de milliers de manifestants avec leurs motivations aussi diverses que le sont leurs parcours et leurs buts.

La résistance à Kiev, qu’elle soit violente ou non, inclut des représentants de toutes les tendances politiques, aussi bien que des personnes sans idéologie qui auraient du mal à se situer politiquement. Non seulement les manifestants pacifiques, mais aussi ceux qui font usage de bâtons, de pierres et même de cocktails Molotov dans leur confrontation physique avec les unités spéciales de la police et les voyous employés par le gouvernement, constituent un vaste mouvement, qui n’est pas centralisé. La plupart des manifestants n’usent de violence qu’en réponse à la férocité policière grandissante et à la radicalisation du régime de Ianoukovytch. Les manifestants comprennent des conservateurs, des socialistes et des libéraux, des nationalistes et des internationalistes, des chrétiens, des non-chrétiens et des athées.

Il est vrai qu’il existe, parmi les manifestants violents et non-violents, une diversité de radicaux d’extrême droite comme d’extrême gauche. Pourtant, le mouvement considéré dans son ensemble reflète la totalité de la population ukrainienne, jeune et âgée. La focalisation pesante sur les extrémistes de droite dans les reportages des médias internationaux est donc injustifiée et erronée. Une telle sur-représentation a plus à voir avec le potentiel sensationnaliste des slogans, des symboles ou des uniformes extrémistes ethno-nationalistes, qu’avec la situation actuelle, sur le terrain.

Nous soupçonnons même que, dans plusieurs reportages semi-journalistiques, spécialement ceux des médias sous influence du Kremlin, l’attention excessive portée aux éléments d’extrême-droite dans le mouvement protestataire en Ukraine n’ait rien à voir avec l’antifascisme. Paradoxalement, la production, l’influence et la diffusion de tels reportages peuvent eux-mêmes êtres motivés par une forme d’impérialisme ultranationaliste — russe, en ce cas précis. En discréditant fondamentalement l’une des plus impressionnantes actions de masse de désobéissance civile dans l’histoire de l’Europe, ces reportages contribuent à fournir un prétexte pour une implication politique de Moscou, voire peut-être même à une intervention militaire russe en Ukraine, comme en Géorgie en 2008. (Dans un blog éclairant, Anton Shekhovstov a récemment détaillé les activités d’institutions clairement pro-Kremlin, leurs connections et leurs responsables. La liste n’est probablement pas exhaustive.)

Étant donné ces menaces, nous appelons les commentateurs, spécialement ceux situés politiquement à gauche, à prendre des précautions lorsqu’ils expriment des critiques justifiées sur l’ethno-nationalisme ukrainien. Les déclarations les plus alarmistes sur l’Euromaïdan sont susceptibles d’être instrumentalisées par les “techniciens politiques” du Kremlin, afin de servir la mise en œuvre des projets géopolitiques de Poutine. En fournissant des munitions à la lutte de Moscou comtre l’indépendance de l’Ukraine, un tel alarmisme aide involontairement une force politique qui est une menace beaucoup plus sérieuse pour la justice sociale, les droits des minorités et l’égalité politique, que tous les etnocentristes ukrainiens rassemblés.

Nous appelons aussi les commentateurs de l’Ouest [de l’Europe] à montrer de l’empathie pour un état-nation qui est très jeune, encore fragile, et qui subit une grave menace étrangère. La situation fragile dans laquelle se trouve encore l’Ukraine et les complications énormes de la vie quotidienne dans une telle société en transition donnent naissance à une grande diversité d’opinions, de comportements et de discours étranges, destructeurs et contradictoires. Le soutien au fondamentalisme, à l’ethnocentrisme et à l’ultra-nationalisme a souvent plus à voir avec la confusion permanente et l’angoisse quotidienne d’un peuple vivant dans de pareilles conditions, qu’avec ses convictions profondes.

Enfin, nous appelons tous ceux qui n’ont pas d’intérêt particulier ou pas de connaissance particulière de l’Ukraine, à ne pas commenter les questions nationales complexes de cette région sans s’être livré au préalable à une recherche approfondie. Étant des spécialistes de ce domaine, plusieurs d’entre nous luttent quotidiennement pour interpréter la radicalisation politique grandissante et la dérive paramilitaire du mouvement protestataire ukrainien. En contrepartie, on doit toujours rappeler que face à la terreur d’État exercée contre la population ukrainienne, un nombre grandissant de personnes ordinaires ou d’intellectuels ukrainiens à Kiev, arrivent à cette conclusion que, pour être préférable, la résistance non-violente n’est plus possible concrètement. Les reporters qui ont le temps nécessaire, l’énergie et les moyens, doivent venir visiter l’Ukraine, et / ou faire des lectures sérieuses sur les publications qui leur servent de références pour leurs articles. Ceux qui n’ont pas la possibilité de le faire doivent plutôt se consacrer à des sujets qui leur sont plus familiers, plus accessibles et présentent moins d’ambiguïté. Cela permettra d’éviter, à l’avenir, les nombreux clichés hélas, les erreurs factuelles et les opinions mal informées qui accompagnent souvent les débats sur les événements en Ukraine.

Iryna Bekeshkina, researcher of political behavior in Ukraine, Sociology Institute of the National Academy of Sciences, Ukraine; Tetiana Bezruk, researcher of the far right in Ukraine, Kyiv-Mohyla Academy, Ukraine; Oleksandra Bienert, researcher of racism and homophobia in Ukraine, PRAVO. Berlin Group for Human Rights in Ukraine, Germany; Maksym Butkevych, researcher of xenophobia in post-Soviet Ukraine, “No Borders” Project of the Social Action Center at Kyiv, Ukraine; Vitaly Chernetsky, researcher of modern Ukrainian and Russian culture in the context of globalization, University of Kansas, USA; Marta Dyczok, researcher of Ukrainian national identity, mass media and historical memory, Western University, Canada; Kyrylo Galushko, researcher of Ukrainian and Russian nationalism, Institute of Ukrainian History, Ukraine; Mridula Ghosh, researcher of human rights abuses and the far right in Ukraine, East European Development Institute, Ukraine; Olexiy Haran, researcher of Ukrainian political parties, Kyiv-Mohyla Academy, Ukraine; John-Paul Himka, researcher of Ukrainian nationalist participation in the Holocaust, University of Alberta, Canada; Ola Hnatiuk, researcher of right-wing tendencies in Ukraine, University of Warsaw, Poland; Yaroslav Hrytsak, researcher of historic Ukrainian nationalism, Ukrainian Catholic University at L’viv, Ukraine; Adrian Ivakhiv, researcher of religio-nationalist groups in post-Soviet Ukraine, University of Vermont, USA; Valeriy Khmelko, researcher of ethno-national structures in Ukrainian society, Kyiv International Institute of Sociology, Ukraine; Vakhtang Kipiani, researcher of Ukrainian nationalism and samizdat, « Istorychna pravda » (www.istpravda.com.ua), Ukraine; Volodymyr Kulyk, researcher of Ukrainian nationalism, identity and media, Institute of Political and Ethnic Studies at Kyiv, Ukraine; Natalya Lazar, researcher of the history of the Holocaust in Ukraine and Romania, Clark University, USA; Viacheslav Likhachev, researcher of Ukrainian and Russian xenophobia, Euro-Asian Jewish Congress, Israel; Mykhailo Minakov, researcher of Russian and Ukrainian political modernization, Kyiv-Mohyla Academy, Ukraine; Michael Moser, researcher of languages and identities in Ukraine, University of Vienna, Austria; Bohdan Nahaylo, researcher of ethnic tensions in Eastern Europe and the CIS, formerly with UNHCR, France; Volodymyr Paniotto, researcher of post-Soviet xenophobia, Kyiv International Institute of Sociology, Ukraine; Olena Petrenko, researcher of war-time Ukrainian nationalism, Ruhr University of Bochum, Germany; Anatolii Podolskyi, researcher of genocide history and antisemitism, Ukrainian Center for Holocaust Studies at Kyiv, Ukraine; Alina Polyakova, researcher of radical right movements, University of Bern, Switzerland; Andriy Portnov, researcher of modern Ukrainian, Polish and Russian nationalism, Humboldt University of Berlin, Germany; Yuri Radchenko, researcher of war-time Ukrainian nationalism, Center on Inter-Ethnic Relations in Eastern Europe at Kharkiv, Ukraine; William Risch, researcher of Ukrainian nationalist thought and politics, Georgia College, USA; Anton Shekhovtsov, researcher of West and East European right-wing extremism, University College London, United Kingdom; Oxana Shevel, researcher of Ukrainian national identity and historical memory, Tufts University, USA; Myroslav Shkandrij, researcher of inter-war Ukrainian radical nationalism, University of Manitoba, Canada; Konstantin Sigov, researcher of post-Soviet discourse strategies of the “Other,” Kyiv-Mohyla Academy, Ukraine; Gerhard Simon, researcher of contemporary Ukrainian history and nationality affairs, University of Cologne, Germany; Iosif Sissels, researcher of hate speech and antisemitism, Association of Jewish Organizations and Communities (VAAD) at Kyiv, Ukraine; Timothy Snyder, researcher of historic Ukrainian nationalism, Yale University, USA; Kai Struve, researcher of Ukrainian radical nationalism and the Holocaust, University of Halle, Germany; Mykhaylo Tyaglyy, researcher of genocide and antisemitism, Ukrainian Center for Holocaust Studies at Kyiv, Ukraine; Andreas Umland, researcher of the Russian and Ukrainian post-Soviet extreme right, Kyiv-Mohyla Academy, Ukraine; Taras Voznyak, researcher of Ukrainian intellectual life and nationalism, Magazine “JI” (L’viv), Ukraine; Oleksandr Zaitsev, researcher of Ukrainian integral nationalism, Ukrainian Catholic University at L’viv, Ukraine; Yevgeniy Zakharov, researcher of xenophobia and hate crimes in today Ukraine, Kharkiv Human Rights Protection Group, Ukraine

[Coordinateur du projet: Andreas Umland. La déclaration a été aussi déposée sur le site du journal de Kiev  “Le Jour.”] Traduit de l’anglais par Olivier Favier. Texte original.

La place Maïdan, avant-après.

La place Maïdan, avant-après.

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