Mot-clé : Histoire

Les feuillets d’Ikonnikov, par Vassili Grossman.

 
« L’amour aveugle et muet est le sens de l’homme.
L’histoire des hommes n’est pas le combat du bien cherchant à vaincre le mal. L’histoire de l’homme c’est le combat du mal cherchant à écraser la minuscule graine d’humanité. Mais si maintenant l’humain n’a pas été tué en l’homme, alors jamais le mal ne vaincra. »

Vassili Grossman

Nous sommes tous des violents, par Nicola Chiaromonte.

 
« La violence, donc, est intrinsèque à la nature des choses et de l’homme. Mais la folie de ceux qui exaltent la violence, ceux qui aujourd’hui disent que « sans violence on n’obtient rien » (écho de la phrase célèbre de Marx, selon laquelle « la violence est la sage-femme de l’histoire ») consiste dans le fait qu’ils érigent en principe de raison ce qui est un élément constitutif du destin humain, et comme tel échappe à toute raison. Dès lors, faire de ce qui échappe à toute raison un principe tant de raison que d’action, en plus d’être une contradiction logique, est une désastreuse transgression. »

Nicola Chiaromonte

Lettre ouverte des membres du Conseil scientifique du Musée sur l’histoire de la France et de l’Algérie.

 
Chercheurs impliqués bénévolement dans la réalisation du musée sur l’histoire de la France et de l’Algérie, nous avons appris avec une très grande surprise votre intention d’abandonner ce projet très avancé à un an de l’ouverture du musée. Ceci s’est fait de manière abrupte et improvisée, sans dresser un bilan du projet avec l’équipe qui le menait avec dynamisme depuis trois ans, et sans concertation avec le Conseil scientifique du musée, composé de chercheurs qui s’étaient mobilisés pour soutenir sa réorientation, redonner au projet la légitimité scientifique qu’il méritait, et qui ont joué un rôle considérable dans la préparation des salles du musée et des expositions temporaires. En tant que membres de ce Comité, nous déplorons le gâchis que représenterait l’abandon de ce projet de musée sans équivalent en France.

Entretien avec Primo Levi (1982), par Enzo Biagi.

 
« Ce qu’il s’est produit durant l’été 1938 n’a pas été une surprise. Le Manifeste de la race est sorti en juillet, il y était écrit que les Juifs n’appartenaient plus à la race italienne. Tout cela était déjà dans l’air du temps, il y avait déjà eu des actes antisémites, mais personne n’imaginait les conséquences des lois raciales. J’étais très jeune alors, je me souviens qu’on espérait que ce serait une hérésie du fascisme, quelque chose pour faire plaisir à Hitler. Puis on a vu qu’il n’en était pas ainsi. Il n’y a pas eu de surprise, une déception oui, avec une grande peur mitigée par le faux instinct de conservation : “Ici certaines choses sont impossibles”. Autrement dit la négation du danger. »

Primo Levi

L’Italie derrière la mémoire, par Olivier Favier.

 
« En tant que tel pourtant, le lieu de mémoire est purement tautologique. Il ne peut être objectivé par celui qui l’invente, mais seulement par un regard extérieur sur les raisons de ce choix. Autrement dit, il nous renseigne bien davantage sur les valeurs communes de la classe dirigeante d’un pays que sur celles nécessairement multiples, contradictoires et changeantes de sa population. D’un point de vue strictement historique, il n’a de sens que s’il permet de révéler les doutes et les fractures, les permanences et les évolutions. Mais la question de ce qui fait ou non mémoire est pratiquement infinie, et se devrait pour le moins d’être posée en amont. Si l’on y introduit, ce qu’on ne fait plus guère, un peu de pensée dialectique, il dit alors l’oubli, intentionnel ou non, le refoulé et le retour du refoulé, et nous renseigne sur les usages du passé, présents et à venir. À défaut, il ne fait qu’alimenter la confusion entre histoire et mémoire, fût-ce pour en débattre ensuite entre gens du même monde, à grands renforts de moues dubitatives et de dénégations agacées. »

Olivier Favier

Je hais les indifférents, par Antonio Gramsci.

 
« L’indifférence œuvre puissamment dans l’histoire. Elle œuvre passivement, mais elle œuvre. Elle est la fatalité; elle est ce sur quoi on ne peut pas compter; elle est ce qui bouleverse les programmes, ce qui renverse les plans les mieux établis; elle est la matière brute, rebelle à l’intelligence qu’elle étouffe. »

Antonio Gramsci

Des outils pour dire non, rencontre avec François Nadiras (LDH Toulon), par Olivier Favier.

« En juin 2004, François Nadiras conçoit seul un site qu’il veut d’emblée simple et lisible, avec quelques rubriques et sous-rubriques, pour que chacun puisse y voyager commodément. En exergue, on peut lire cette phrase de Pierre Vidal-Naquet: « Si l’Histoire sert à quelque chose, c’est à ouvrir les yeux. » C’est une façon “humaniste” de lier curiosité, érudition et exigence morale. »

Olivier Favier

Marco Tullio Giordana et le roman d’un massacre, par Olivier Favier.

« À près de quarante années de distance, il serait temps de renverser les phrases toujours répétées de Pier Paolo Pasolini. Nous ne savons pas, non, nous ne saurons jamais. Nous ne savons pas, mais nous avons des preuves. Des preuves que beaucoup ont menti, mentent et mentiront encore tant que des menaces continueront à peser sur leur vie, qu’ils auront intérêt à le faire, par orgueil ou par simple habitude. Que tout ce qui pourrait sembler acceptable pour un État démocratique et une société civile ne résiste à aucun examen sérieux. Que les historiens comme les juges sont demeurés impuissants à rendre une vérité qui gît seulement dans notre imaginaire. Dans le laboratoire des années 70, l’Italie toute entière s’est changée en roman. »

Olivier Favier

Tableaux parisiens n°1, par Benjamin Bardou.

« La vraie connaissance, celle dont les formes contiennent les expériences temporelles non réifiées, est analogue à l’éveil. Le passé est alors non pas comme un recueil fixe de souvenirs mais comme des images d’un rêve que seul le présent éveillé interprète et situe dans sa tension vers le futur. »

Benjamin Bardou

Les intellectuels et la guerre d’Algérie, Archives d’un combat, entretien avec Catherine Brun.

« Ce que les archives rendent aussi sensible, ce sont les phénomènes d’occultation et de surexposition mémorielles. Non, la question de la torture n’a pas été révélée en 2000; non, le Manifeste des 121 ne suffit pas à rendre compte des engagements intellectuels de la période. »

Catherine Brun