Mot-clé : Années 1970

Pour le meilleur et pour le pire: le laboratoire italien, question à Angelo Mastrandrea.

« Le principe c’est que les travailleurs puissent se réapproprier des moyens de production, dans le cas où l’État ne veut pas -ou ne parvient pas- à le faire. Cela se produit en particulier sur le plan culturel et dans l’université -puisque le gouvernement Berlusconi a coupé tout ce qui concernait le théâtre et l’instruction publique, et Monti, qui a porté au gouvernement les professeurs de la plus grande université privée italienne, la Bocconi, n’a rien fait pour revenir en arrière: de là les occupations du Teatro Valle à Rome, mais aussi de l’ex asilo Filangieri à Naples – que la “municipalité rouge” du maire De Magistris a confié à ceux qui les occupaient – du Teatro Garibaldi à Palerme, du Macao à Milan, et j’y ajoute même la protestation, plus traditionnelle, des travailleurs du Teatro Petruzzelli de Bari. »

Angelo Mastrandrea

Du terrorisme, par Guy Debord.

« La modernisation de la répression a fini par mettre au point, d’abord dans l’expérience-pilote de l’Italie sous le nom de « repentis », des accusateurs professionnels assermentés ; ce qu’à leur première apparition au XVIIe siècle, lors des troubles de la Fronde, on avait appelé des «témoins à brevet». Ce progrès spectaculaire de la Justice a peuplé les prisons italiennes de plusieurs milliers de condamnés qui expient une guerre civile qui n’a pas eu lieu, une sorte de vaste insurrection armée qui par hasard n’a jamais vu venir son heure, un putschisme tissé de l’étoffe dont sont faits les rêves. »

Guy-Ernest Debord

L’Italie derrière la mémoire

En guise d’introduction, cet essai éponyme écrit à Rome durant l’été 2013 comme préface d’un livre à venir. Pour les événements récents, voir aussi la rubrique contre-actualité.  Vingtième siècle: Olivetti (extrait), par Laura Curino. L’histoire de l’industriel socialiste Camillo Olivetti, dont les usines de machines à écrire à Ivrea sont demeurées un mythe à plusieurs titres. ProductricesLire la suite…

Corps d’état, l’affaire Moro (extrait), par Marco Baliani.

« Vingt-cinq ans ont passé depuis ce 9 mai 1978.
D’Aldo Moro chacun de nous a fixé dans sa mémoire l’image d’un corps renversé entrevu par le coffre ouvert d’une voiture, une Renault de couleur rouge.
De Peppino Impastato, de cet homme de ma génération, ce camarade, de celui qui était allé mener sa bataille en Sicile, parmi les siens, luttant contre la mafia, de lui qui fut tué le même jour qu’Aldo Moro, aucune image n’est restée pour notre mémoire. Après vingt ans, par la confession d’un repenti de la mafia nous avons su enfin ce que nous imaginions tous depuis longtemps, que ce sont ceux du clan Badalamenti qui ont tué Peppino Impastato, ceux-là même qu’il dénonçait tous les jours au micro de Radio Aut, dans une campagne quotidienne d’information. »

Marco Baliani

Le juge, l’historien, le politique, par Philippe Audegean.

« Il existe néanmoins une vérité sur ce qui s’est passé au cours de cette nuit-là, et sur l’enchaînement des événements ayant conduit à la chute et à la mort de Pinelli. Cette vérité est la vérité judiciaire : la vérité du juge. Dans le domaine du droit, la vérité d’un fait est la vérité de la chose jugée, autrement dit le contenu de la décision judiciaire, de la sentence définitive ou de l’arrêt. Ce qui a été jugé est en effet revêtu d’une autorité qui lui confère la force de la vérité par présomption de la loi. Que dit cette vérité ? Suite à une plainte déposée par la veuve de Pinelli, le parquet de Milan a saisi un juge d’instruction qui, au terme d’une longue enquête qui s’est achevée en 1975, a prononcé une ordonnance de non-lieu. Selon cette ordonnance, Pinelli a été victime d’un « malaise actif » (en italien, malore attivo). Non pas un malaise « passif », qui l’aurait amené à se laisser aller, à tomber dans les pommes, mais un malaise « actif », et même « super-actif », ironise Sofri dans Les Ailes de plomb, puisqu’il l’a amené à se jeter activement par la fenêtre.

Philippe Audegean

Poème inutile, par Carlo Bordini.

« Je suis un type quelconque
de l’occident chrétien
un jour nous fîmes une réunion près de l’église de
et nous avions un air extrêmemement sauvage
je ne comprends pas grand chose
en ce sens je n’ai rien à dire
j’écris donc ceci par pur narcissisme
et j’en suis fier (parce que je me libère au moins) »

Carlo Bordini

La Zone grise, par Carlo Bordini.

« Il y eut entre nous une discussion amicale et un peu absurde, tandis qu’à quelques pas de nous les affrontements faisaient rage. Nous devions nous écarter de temps en temps pour éviter d’être frappés par de grosses pierres. Je me souviens qu’à la fin de la discussion, avant de nous quitter, je lui demandai: -Quelle est la chose qui t’intéresse le plus? Il me répondit: -La liberté. -Et toi? me demanda-t-il. Je répondis: -La douceur. »

Carlo Bordini, 2006.

Un courage à moitié, par Carlo Bordini.

« On a pu dire qu’à sa mort les intellectuels qui ont évoqué sa mémoire dans les journaux et les revues ont créé un véritable psychodrame. C’est vrai. Je suis convaincu que si Pasolini était mort dans son lit, ou dans un accident de voiture, il y aurait eu des commentaires mesurés, de circonstance. Hagiographiques peut-être, mais prudents. Je veux dire par là que le psychodrame a été en grande partie déterminé par la manière dont il est mort. Une chose m’a frappé: la majeure partie des articles consacrés à Pasolini étaient très chargés d’agressivité -les rares exceptions étaient l’œuvre de ceux qui étaient le plus proche de lui-. On se souvenait du Pasolini en polémiquant avec les autres intellectuels, en les insultant. Les autres n’avaient pas compris Pasolini. Ils l’exaltaient seulement maintenant qu’il était mort. Chaque article sur Pasolini s’en prenait à quelqu’un d’autre que lui. »

Carlo Bordini, 1976.