Mot-clé : Alessandro Portelli

L’Italie derrière la mémoire, par Olivier Favier.

 
« En tant que tel pourtant, le lieu de mémoire est purement tautologique. Il ne peut être objectivé par celui qui l’invente, mais seulement par un regard extérieur sur les raisons de ce choix. Autrement dit, il nous renseigne bien davantage sur les valeurs communes de la classe dirigeante d’un pays que sur celles nécessairement multiples, contradictoires et changeantes de sa population. D’un point de vue strictement historique, il n’a de sens que s’il permet de révéler les doutes et les fractures, les permanences et les évolutions. Mais la question de ce qui fait ou non mémoire est pratiquement infinie, et se devrait pour le moins d’être posée en amont. Si l’on y introduit, ce qu’on ne fait plus guère, un peu de pensée dialectique, il dit alors l’oubli, intentionnel ou non, le refoulé et le retour du refoulé, et nous renseigne sur les usages du passé, présents et à venir. À défaut, il ne fait qu’alimenter la confusion entre histoire et mémoire, fût-ce pour en débattre ensuite entre gens du même monde, à grands renforts de moues dubitatives et de dénégations agacées. »

Olivier Favier

La mauvaise herbe ne meurt jamais: des fosses ardéatines à l’internationale noire, par Olivier Favier.

« En 1995, l’extradition de Priebke est un gage de bonne moralité offert par le président Carlos Menem, dans l’espoir de faire oublier que les responsables de la dictature, qui ont fait « disparaître » quelques trente mille personnes de 1976 à 1983, ne sont toujours pas jugés. Mieux, c’est un ancien lieutenant des services spéciaux, Jorge Olivera, devenu avocat durant les années 1980, qui est chargé de sa défense. »

Olivier Favier

Radio clandestine, Mémoires des fosses ardéatines (3), par Ascanio Celestini.

« Et tout le monde lui disait « Racontez… racontez… » et lui il parlait de la première guerre mondiale, de la guerre que nous avons gagnée.
Tandis que les histoires de notre guerre, la guerre dont on n’a pas encore compris si nous l’avons gagnée ou perdue, nos histoires, personne ne veut les entendre. »

Ascanio Celestini

Radio clandestine, Mémoires des fosses ardéatines (2), par Ascanio Celestini.

« Je dis qu’à partir de 1938 le gouvernement italien a déclaré la guerre à 40 000 Italiens, autrement dit aux Juifs. Parce que ces Italiens-là ils étaient juifs, mais tout aussi italiens que les autres… »

Ascanio Celestini

Radio Clandestine, mémoire des Fosses ardéatines (1), par Ascanio Celestini.

« Je dis que c’est une drôle d’histoire, une de celles que tout le monde croit connaître par coeur. Une de ces histoires que les gens vous racontent en une minute. Mais si quelqu’un devait vous la raconter dans ses moindres détails, il mettrait une semaine pour la dire tout entier. »

Ascanio Celestini

L’ordre a déjà été exécuté, Rome, Les Fosses ardéatines, la mémoire (introduction), par Alessandro Portelli.

« Ce livre est pour l’essentiel une réflexion sur deux points qui dominent les textes des Allemands et du Vatican : d’un côté la formule « cet ordre a déjà été exécuté », de l’autre la nette distinction entre les « victimes » (les Allemands), les « personnes sacrifiées » (les 335 hommes tués en représailles aux Fosses Ardéatines) et les « coupables ayant échappé à l’arrestation » (les partisans). »

Alessandro Portelli

Ce que parler veut dire (notes sur une mise en scène)

« Le théâtre-récit est une forme de guérilla réelle, civique et politique, contre le bruit ambiant. Dans le théâtre-récit, un acteur monte sur scène, seul, il renonce au décor, au costume, au spectacle vivant, il décide de raconter une histoire au public venu l’écouter. Une histoire difficile souvent, soit parce qu’elle touche aux choses dont il est admis qu’on ne veut pas les entendre, qu’il n’y a pas si longtemps, ici même, il s’est passé ceci et que ceci n’est pas encore tragique parce qu’il est bien caché dans la prison du silence, soit parce qu’elle parle de cela qu’on n’entend plus, qu’il fut un temps pas si lointain où les choses avaient une âme et qu’il en est un autre où les hommes ont vendu la leur. Pour raconter ceci ou cela, l’acteur qui jusque là demandait à ne pas voir le public pour se donner en spectacle fait soudain un autre vœu, celui de voir les yeux de ceux à qui il s’adresse, tous les yeux, parce que son récit, s’il veut qu’on l’entende, il doit le porter avec sa voix, ses gestes, son regard, il n’est plus le corps qu’on observe, mais celui qui, à la façon d’un artisan, vient donner corps au récit. »

Olivier Favier