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L’Italie derrière la mémoire, par Olivier Favier.

 
« En tant que tel pourtant, le lieu de mémoire est purement tautologique. Il ne peut être objectivé par celui qui l’invente, mais seulement par un regard extérieur sur les raisons de ce choix. Autrement dit, il nous renseigne bien davantage sur les valeurs communes de la classe dirigeante d’un pays que sur celles nécessairement multiples, contradictoires et changeantes de sa population. D’un point de vue strictement historique, il n’a de sens que s’il permet de révéler les doutes et les fractures, les permanences et les évolutions. Mais la question de ce qui fait ou non mémoire est pratiquement infinie, et se devrait pour le moins d’être posée en amont. Si l’on y introduit, ce qu’on ne fait plus guère, un peu de pensée dialectique, il dit alors l’oubli, intentionnel ou non, le refoulé et le retour du refoulé, et nous renseigne sur les usages du passé, présents et à venir. À défaut, il ne fait qu’alimenter la confusion entre histoire et mémoire, fût-ce pour en débattre ensuite entre gens du même monde, à grands renforts de moues dubitatives et de dénégations agacées. »

Olivier Favier

Mai 78, un maggio italiano (texte intégral), par Olivier Favier.

« Les morts d’Aldo Moro, de Peppino Impastato, de Roberto Rigobello, et de ceux dont avant ou après on a perdu ou gardé la mémoire, appartiennent au passé désormais.

Quoi qu’il arrive, à moins de ne pas voir ce qui se passe aujourd’hui autour de nous, nous cheminons plus vite que ces fantômes aux fronts troués.

Et puis, à s’en tenir aux morts, c’est comme si l’essentiel de ce maggio italiano restait encore à dire.

Deux dates en fait, souvent absentes des chronologies, ou présentées comme secondaires, parce que liées à des problèmes de société -comme si, au fond, la société ne devait pas être la fin de toute politique.

Les 13 et 22 mai 1978.

Deux lois, la 180 et la 194, toujours en vigueur aujourd’hui.

Plus de trente ans plus tard, la première, qui a mis fin à l’institution psychiatrique, demeure unique au monde.

La seconde a permis l’avortement. »

Olivier Favier

L’Italie derrière la mémoire

En guise d’introduction, cet essai éponyme écrit à Rome durant l’été 2013 comme préface d’un livre à venir. Pour les événements récents, voir aussi la rubrique contre-actualité.  Vingtième siècle: Olivetti (extrait), par Laura Curino. L’histoire de l’industriel socialiste Camillo Olivetti, dont les usines de machines à écrire à Ivrea sont demeurées un mythe à plusieurs titres. ProductricesLire la suite…

Corps d’état, l’affaire Moro (extrait), par Marco Baliani.

« Vingt-cinq ans ont passé depuis ce 9 mai 1978.
D’Aldo Moro chacun de nous a fixé dans sa mémoire l’image d’un corps renversé entrevu par le coffre ouvert d’une voiture, une Renault de couleur rouge.
De Peppino Impastato, de cet homme de ma génération, ce camarade, de celui qui était allé mener sa bataille en Sicile, parmi les siens, luttant contre la mafia, de lui qui fut tué le même jour qu’Aldo Moro, aucune image n’est restée pour notre mémoire. Après vingt ans, par la confession d’un repenti de la mafia nous avons su enfin ce que nous imaginions tous depuis longtemps, que ce sont ceux du clan Badalamenti qui ont tué Peppino Impastato, ceux-là même qu’il dénonçait tous les jours au micro de Radio Aut, dans une campagne quotidienne d’information. »

Marco Baliani

The Gray Zone, by Carlo Bordini.

« I remember that at the end of the discussion, before we parted, I asked him: what’s the thing that interests you most? He replied: “Freedom.” And you? – he asked me. I answered: “Sweetness.” »

Carlo Bordini

La Zone grise, par Carlo Bordini.

« Il y eut entre nous une discussion amicale et un peu absurde, tandis qu’à quelques pas de nous les affrontements faisaient rage. Nous devions nous écarter de temps en temps pour éviter d’être frappés par de grosses pierres. Je me souviens qu’à la fin de la discussion, avant de nous quitter, je lui demandai: -Quelle est la chose qui t’intéresse le plus? Il me répondit: -La liberté. -Et toi? me demanda-t-il. Je répondis: -La douceur. »

Carlo Bordini, 2006.

Quand la mémoire joue des tours, par Massimo Barone.

« Je me le suis demandé bien souvent : ne pourrait-on pas écrire une histoire de l’Italie à travers celle de ses tentatives de coups d’État ? Ceux qui ont réussi, ceux qui ont presque réussi et ceux qui ont avorté ? Rien que pour l’après-guerre on peut en compter quatre, à partir de celui de De Lorenzo. Ou disons plutôt que quatre ont été portés à notre connaissance. »

Massimo Barone, 2006.