Tableaux parisiens n°1, par Benjamin Bardou.

 
À travers plusieurs volets (No.1, No.2, etc…) les Tableaux parisiens proposent une actualisation des images du passé par la technique du montage. Utilisant le procédé allégorique de la poésie baudelairienne et l’image dialectique de Benjamin ce film tente de dynamiter le mythe d’une continuité historique véhiculée par l’idéologie du progrès.

« Une image est ce en quoi l’Autrefois rencontre le Maintenant dans un éclair pour former une constellation ».

W. Benjamin

Le film Tableaux parisiens compose une mosaïques d’idées et d’images sans rapport créant ainsi des lignes de forces tendues à leur maximum pour faire surgir une image de l’instant présent ou constellation.

La composition de ces lignes de force se rapproche de l’expérimentation scientifique. Comme un chimiste qui procède avec les éléments de la table périodique il expérimente des rapprochements d’images et de sons éloignés de par leur sujet. Faire réagir chimiquement la pellicule c’est décomposer l’Histoire des vainqueurs.

En effet, l’historicisme représente la tentative pour enrichir artificiellement une expérience appauvrie. Il occulte la rupture qui s’est produite dans la tradition, celle qui sépare le temps figé de l’archaïque et celui convulsif, accéléré et sans but de la modernité.

L’historicisme tente de rapporter à la vie ce qui a été pétrifié et réifié. Pour Walter Benjamin il faut accepter le temps hölderlinien de pauvreté dans lequel on vit, l’état de privation de l’expérience, partager le sort de l’époque et de la classe où cette pauvreté se manifeste.

Contre l’historicisme qui fait mouvoir ce qui est immobile, il faut viser à arrêter ce qui est en mouvement, à bloquer le train du progrès et de la révolution, à montrer la faciès hippocratica de l’histoire.

Dans la monade, dans sa cristallisation soudaine – à partir d’un arrêt et d’un choc – d’une cristallisation de pensées, ce qui avait été fixé avec rigidité reprend vie dans sa perspective historique. La monade, point de vue fixe se révèle comme l’unique mode susceptible de donner sens, horizon à la pluralité chaotique des évènements. C’est alors un présent qui s’oriente en fonction des attentes du futur.

Le montage cinématographique peut reconstruire ce processus depuis les fragments explosés du passé. Ce passé, pénétré et actualisé dialectiquement, révèle avoir en lui-même une charge explosive de futur comprimé, de possibilité interne de modification que la Jetzt-Zeit fait sauter.

La vraie connaissance, celle dont les formes contiennent les expériences temporelles non réifiées, est analogue à l’éveil. Le passé est alors non pas comme un recueil fixe de souvenirs mais comme des images d’un rêve que seul le présent éveillé interprète et situe dans sa tension vers le futur.

La conscience éveillée est ainsi simultanéité/synchronie avec les images du passé.

Les manifestations de la surface sont les rêves éveillés du collectif présents particulièrement dans le cinéma et la publicité. Dans ces histoires invraisemblables il s’agit de désirs réprimés et d’utopies non réalisées.

Il faut brosser l’histoire à rebrousse-poils. Extirper le document de son contexte historique c’est décloisonner une époque de sa technique.
Avec le noir et blanc d’Auschwitz, on peut aisément proclamer, la main sur le cœur: « Plus jamais ça! ».

Mais la catastrophe est permanente.

En mélangeant quatre techniques distinctes (pellicule noir et blanc, pellicule couleur, support analogique type retransmission TV et support numérique type DVD/BluRay), les Tableaux parisiens se donne pour tâche de faire surgir les images latentes de notre société, aussi bien les rêves que les ruines.

Tableaux Parisiens. No.1 par Benjamin Bardou.

Voir aussi: le texte original de Walter Benjamin, Sur le concept d’histoire, version de l’auteur en français (1940).

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