Rubrique : Théâtre-récit

Le Narrateur. Réflexions à propos de l’œuvre de Nicolas Leskov (première partie), par Walter Benjamin.

« Il est aisé de concevoir l’une des causes de ce phénomène: le cours de l’expérience a baissé. Et il a l’air de prolonger sa chute. Nul jour qui ne nous prouve que cette baisse ait atteint un nouveau record, que non seulement l’image du monde extérieur mais celui du monde moral ait subi des changements considérés avant comme impossibles. Avec la Grande Guerre un processus devenait manifeste qui, depuis, ne devait plus s’arrêter. Ne s’est-on pas aperçu à l’armistice que les gens revenaient muets du front? non pas enrichis mais appauvris en expérience communicable. Et quoi d’étonnant à cela? Jamais expérience n’a été aussi foncièrement démentie que les expériences stratégiques par la guerre de position, matérielles par l’inflation, morales par les gouvernants. Une génération qui avait encore pris le tramway à chevaux pour aller à l’école se trouvait en plein air, dans un paysage où rien n’était demeuré inchangé sinon les nuages; et, dans le champ d’action de courants mortels et d’explosions délétères, minuscule, le frêle corps humain. »

Walter Benjamin

Risorgimento pop (extrait), par Marco Andreoli et Daniele Timpano.

« Les mazziniens qui ont accouru, Maurizio Quadrio, Saffi, Asproni, Bertani et d’autres, ne se lassent pas de contempler la dépouille de l’Apôtre, l’image pieuse, toute de noir vêtue, de leur père préféré de la patrie, là, sur le lit, mort ; le prédicateur, créateur d’images de cette intègre République qui n’arrivera en Italie que 74 ans plus tard – en 1946 – quand ils seront déjà tous morts depuis des décennies, et qu’aucun d’entre eux ne verra, est là, sur son lit, mort. Mazzini meurt en vaincu, c’est le plus vaincu des vainqueurs possibles, père républicain d’une patrie unie… mais monarchique ! Politiquement, Mazzini est isolé ; juste un mois avant de mourir, il l’avait écrit sur une feuille : « Je ne renonce au suicide que par devoir. » »

Daniele Timpano

La brebis galeuse (extrait), par Ascanio Celestini.

« Nicola pensait que si l’institut était encore là, c’était juste une erreur de la bureaucratie. Comme les tas d’ordures qui restent au milieu de la rue quand la mairie n’arrive pas à se mettre d’accord avec les éboueurs pour les faire ramasser. »

Ascanio Celestini

Histoire d’une goutte d’eau, par Ascanio Celestini.

« Un homme est assis dans la pièce. Il regarde le robinet qui fuit. L’homme pense : c’est juste une goutte d’eau. »

Ascanio Celestini

C’est moi qui vous ai choisi, par Ascanio Celestini.

« Alors j’ai repensé à cette vieille histoire du loup, de la chèvre et du chou. Eh bien donc, il y a un paysan. Et ce paysan, il a une barque. Oui, c’est bizarre qu’un paysan ait une barque et pas un tracteur et un motoculteur mais bon, celui-là il a une barque, voilà. »

Ascanio Celestini

Moi je marche en file indienne, par Ascanio Celestini.

« Il était une fois un petit pays.
Dans le petit pays il y avait un petit gouvernement. Il y avait aussi une petite école.
Mais le petit gouvernement et le petit pays pensèrent qu’il y avait trop d’enseignants dans la petite école et il dirent éliminons les enseignants qui enseignent des matières qui ne sont pas indispensables parce que trop de matières vont mettre la confusion dans l’esprit des enfants et les enfants sont stupides. »

Ascanio Celestini

Jetez la pierre et montrez la main, par Ascanio Celestini.

« Mais maintenant, ce n’est plus la peine de la cacher la main, maintenant, moi – regardez-moi – je jette la pierre et je montre la main, je jette la pierre et je montre la main. On est beaucoup, maintenant, vous savez. Ce n’est plus comme avant où on n’était que quelques uns, on se cachait, on fuyait.  »

Ascanio Celestini

Kohlhaas (extrait), par Marco Baliani et Remo Rostagno.

« Dans ces moments-là Kohlhaas sentait que son cœur aussi était un cercle, un enclos et que lui, Kohlhaas, il était au centre de son cœur et que son cœur était au centre du cercle de ses chevaux… dans ces moments-là Kohlhaas sentait que même Dieu… Kohlhaas était très religieux mais il n’aurait jamais dit à un prêtre ce qu’il pensait en cet instant… que même Dieu, à présent, était là, dans le cercle… mieux… que Dieu, c’était ses chevaux! »

Marco Baliani et Remo Rostagno

Cìncali (Marcinelle), par Mario Perrotta et Nicola Bonazzi.

« Juillet 1956: Le journal italien l’Unità publie enfin un article dénonciateur très circonstancié sur les conditions de travail des mineurs en Belgique.
Quelques jours plus tard:
8 Août 1956 Marcinelle: 262 morts, 136 italiens.
8 heures du matin. Bassin de Charleroi, Marcinelle, nom de la mine : Amer-Cœur. »

Mario Perrotta et Nicola Bonazzi

Cìncali (le député Brusasca), par Mario Perrotta et Nicola Bonazzi.

« C’est le sous-secrétaire aux affaires étrangères, le député Brusasca qui parle. Le 23 juin 1946, soit seulement 20 jours après le référendum Monarchie-République en Italie, l’Italie avait conclu un accord avec la Belgique pour l’envoi de main d’œuvre italienne dans les mines. Les termes de l’accord étaient les suivants: Envoi de 50.000 ouvriers nationaux de moins de 35 ans et en parfaite santé, en convoi hebdomadaire de 2.000 unités.
Pour chaque mineur italien, l’Italie recevra 200Kg de charbon par jour. »

Mario Perrotta et Nicola Bonazzi