Rubrique : Collection

Énigmes aimées (extrait), par Clotilde Marghieri.

« Je parle d’âge : maintenant, autrefois. Mais quel est mon âge aujourd’hui, puisqu’il contient tous les autres et qu’aucun n’est usé, aucun écoulé, tant que je ne parviens pas à les voir mourir un par un ? Il me semble les voir tous alignés, parallèles et discordants, chevaux mal assortis, mais attelés au même char. »

Clotilde Marghieri

L’inutile beauté, par Theodor W. Adorno.

« Les femmes à la beauté exceptionnelle sont condamnées à être malheureuses. Même celles que favorisent toutes les circonstances, la naissance, la richesse et le talent, semblent comme poursuivies ou possédées par l’impulsion de se détruire elles-mêmes et, du même coup, tous les rapports humains. Un oracle les contraint à choisir entre des destinées toujours fatales. »

Theodor W. Adorno

Bonheur et contentement, par Jean-Jacques Rousseau.

« J’ai peu vu d’hommes heureux, peut-être point : mais j’ai souvent vu des cœurs contens, & de tous les objets qui m’ont frappé, c’est celui qui m’a le plus contenté moi-même. »

Jean-Jacques Rousseau

Rousseau père, par Claude Lévi-Strauss.

« On a commencé par couper l’homme de la nature, et par le constituer en règne souverain ; on a cru ainsi effacer son caractère le plus irrécusable, à savoir qu’il est d’abord un être vivant. Et, en restant aveugle à cette propriété commune, on a donné champ libre à tous les abus. Jamais mieux qu’au terme des quatre derniers siècles de son histoire, l’homme occidental ne peut-il comprendre qu’en s’arrogeant le droit de séparer radicalement l’humanité de l’animalité, en accordant à l’une tout ce qu’il retirait à l’autre, il ouvrait un cycle maudit, et que la même frontière, constamment reculée, servirait à écarter des hommes d’autres hommes, et à revendiquer, au profit de minorités toujours plus restreintes, le privilège d’un humanisme, corrompu aussitôt né pour avoir emprunté à l’amour-propre son principe et sa notion. »

Claude Lévy-Strauss

L’élaboration de la pensée par le discours (extrait), par Heinrich von Kleist.

« Il y a pour celui qui parle une étrange source d’enthousiasme dans le visage qui est en face de lui; un regard indiquant qu’il a déjà compris une pensée à moitié exprimée nous permet souvent d’en trouver l’expression complète. »

Heinrich von Kleist

Nous l’aurons, par Mikhaïl Zochtchenko.

« Il fait nuit noire. je suis dans une sorte de terrain vague à Ligovo.
Dans la poche de mon pardessus, j’ai un revolver. »

Mikhaïl Zochtchenko

La mort du vieux, par Mikhaïl Zochtchenko.

« Le vieux ouvre les yeux et son regard trouble se pose sur ceux qui l’entourent. Ses lèvres murmurent quelque chose. »

Mikhaïl Zochtchenko

Le 20 juillet, par Mikhaïl Zochtchenko.

« Il faut dormir. Je veux appeler mon ordonnance. Mais j’entends tout à coup un drôle de bruit. Il grossit. Des bottes qui piétinent. Des casques qui tintent. Mais pas de cris. Ni de coups de feu. »

Mikhaïl Zochtchenko

Je suis malheureux et je ne sais pas pourquoi, par Mikhaïl Zochtchenko.

« Je me mis à étudier ces photos avec un trouble singulier. Et je constatai qu’elles me troublaient avec plus de force encore que le désir de découvrir la cause de mes malheurs. »

Mikhaïl Zochtchenko

Du luxe, par Vittorio Alfieri.

« Je crois qu’il ne sera pas difficile de prouver que dans l’Europe d’aujourd’hui le luxe est l’une des principales raisons de ce que la servitude, à la fois douce et pénible jadis, est à peine ressentie par nos peuples, et qu’ainsi ils ne songent pas à s’en délivrer, ni s’y efforcent. »

Vittorio Alfieri