Poussière, par Carlo Bordini.

 

Je serai toujours un peu moins que celui que je suis,
et même, beaucoup moins. Poussière. J’ai beaucoup perdu.
Ce que l’on perd est irrécupérable, et si on le récupère il
est désormais dispersé, il ne rentre plus dans l’ordre préétabli
des choses. Je suis content
s’il ne reste de moi qu’une légère
enveloppe. J’ai perdu
beaucoup. Dans cette légèreté,
ce qui importe le plus est l’absence des aigus,
que tout soit rond et recueilli. Cela
suffit. Tout ce qui est dévasté peut devenir rond,
rond encore. Comme un vase. C’est encore possible.
La poussière peut être récupérée. La poussière était autrefois
décombres. La poussière n’est pas décombres désormais,
elle est lente friable. La poussière
est un peu moins, mais elle peut être
rassemblée. Les blessures peuvent devenir poussière, recueillie
et ramassée sur elle-même. Je suis content
de ne pas comprendre les choses. Leur
raison. Il y a des choses que j’ignore, et je suis
content. Elles apparaissent comme des mystères,
tranquilles. Par exemple,
la jeune femme que je vois toujours, m’aime-t-elle
ou non? Je ne le sais pas. Je suis content
de ne pas le savoir. Je suis content de ne pas savoir
si je l’aime, ou mieux, je sais que je ne l’aime pas, que je pourrais
l’aimer; je suis content
de ne pas savoir si j’aurais pu l’aimer. Ce mystère
me rassure plus que son amour.
Il est beau de ne pas savoir. Ne pas savoir, par exemple,
combien je vivrai,
ou combien vivra la terre.
Cette suspension
remplace l’éternité. 

(…)

Extrait de Poussière / Polvere, Évian, Alidades, 2008.

POLVERE

Sarò sempre un po’ meno di quello che sono,
e anzi, molto meno. Polvere. Ho perso molto.
Ciò che si perde è irrecuperabile, e se lo si recupera esso
è ormai disperso, non rientra più nell’ordine prestabilito
delle cose. Sono contento
se di me non rimane che un lieve
involucro. Ho perso
molto. In questa levità,
ciò che più importa è l’assenza di acuti,
che tutto sia tondo e raccolto. Basta
questo. Tutto ciò che è devastato può divenire rotondo,
ancora rotondo. Come un vaso. È ancora possibile.
La polvere può essere recuperata. La polvere era una volta
detriti. Ora la polvere non è detriti,
è lenta friabile. La polvere
è un po’ meno, ma può essere
tenuta insieme. Le ferite
possono diventare polvere, raccolta
e conchiusa. Sono contento
di non capire le cose. La loro
ragione. Vi sono cose che ignoro, e sono
contento. Appaiono come misteri,
tranquille. Ad esempio,
la ragazza che incontro sempre, mi ama
o no? Non lo so. Sono contento
di non saperlo. Sono contento di non sapere
se l’amo, o meglio, so che non l’amo, che potrei
amarla; sono contento
di non sapere se avrei potuto amarla. Questo mistero
mi rassicura più del suo amore.
È bello non sapere. Non sapere, ad esempio,
quanto vivrò,
o quanto vivrà la terra.
Questa sospensione
sostituisce l’eternità.

(…)

Tratto da Carlo Bordini, I costruttori di vulcani, Luca Sossella, Bologna, 2010.

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