Epouvantail 18, par Oliverio Girondo.

 

Pleurer à flots.
Pleurer la digestion.
Pleurer le sommeil.
Pleurer devant les portes et les ports.
Pleurer le sentiment et le sensationnel.
Ouvrir les robinets,
les écluses des pleurs.
Tremper notre âme, notre chemise.
Inonder les trottoirs et les promenades,
et nous sauver de nos pleurs à la nage.
Assister au cours d’anthtropologie en pleurant.
Fêter les anniversaires de famille en pleurant.
Traverser l’Afrique, en pleurant.
Pleurer comme un cacuy, comme un crocodile…
s’il est vrai que les cacuys et les crocodiles
ne s’arrêtent jamais de pleurer.
Tout pleurer, mais le pleurer bien.
Le pleurer avec le nez, avec les genoux.
Le pleurer avec le nombril, avec la bouche.
Pleurer d’amour, de lassitude, de joie.
Pleurer en frac, en flatulant, efflanqué.
Pleurer en improvisant, par cœur.
Pleurer l’insomnie et pleurer tout le jour!

Traduit par Juliette Gheerbrant et Olivier Favier.

Extrait du film d’Eliseo Subiela, El lado oscuro del corazón (1992). Llorar a lágrima viva.

Espantapájaros 18

Llorar a chorros.
Llorar la digestión.
Llorar el sueño.
Llorar ante las puertas y los puertos.
Llorar de amabilidad y de amarillo.
Abrir las canillas,
las compuertas del llanto.
Empaparnos el alma, la camiseta.
Inundar las veredas y los paseos,
y salvarnos, a nado, de nuestro llanto.
Asistir a los cursos de antropología, llorando.
Festejar los cumpleaños familiares, llorando.
Atravesar el África, llorando.
Llorar como un cacuy, como un cocodrilo…
si es verdad que los cacuíes y los cocodrilos
no dejan nunca de llorar.
Llorarlo todo, pero llorarlo bien.
Llorarlo con la nariz, con las rodillas.
Llorarlo por el ombligo, por la boca.
Llorar de amor, de hastío, de alegría.
Llorar de frac, de flato, de flacura.
Llorar improvisando, de memoria.
¡Llorar todo el insomnio y todo el día!

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