Bonheur et contentement, par Jean-Jacques Rousseau.

 
Le bonheur est un état permanent qui ne semble pas fait ici-bas pour l’homme. Tout est sur la terre dans un flux continuel qui ne permet à rien d’y prendre une forme constante. Tout change autour de nous. Nous changeons nous-mêmes, & nul ne peut s’assurer qu’il aimera demain ce qu’il aime aujourd’hui. Ainsi tous nos projets de félicité pour cette vie sont des chimères. Profitons du contentement d’esprit quand il vient, gardons-nous de l’éloigner par notre faute, mais ne faisons pas des projets pour l’enchaîner, car ces projets là sont de pures folies. J’ai peu vu d’hommes heureux, peut-être point : mais j’ai souvent vu des cœurs contens, & de tous les objets qui m’ont frappé, c’est celui qui m’a le plus contenté moi-même. Je crois que c’est une suite naturelle du pouvoir des sensations sur mes sentimens internes. Le bonheur n’a point d’enseigne extérieure ; pour le connoître il faudroit lire dans le cœur de l’homme heureux ; mais le contentement se lit dans les yeux, dans le maintien, dans l’accent, dans la démarche, & semble se communiquer à celui qui l’aperçoit. Est-il une jouissance plus douce que de voir un peuple entier se livrer à la joie un jour de fête, & tous les cœurs s’épanouir aux rayons expansifs du plaisir qui passe rapidement, mais vivement, à travers les nuages de la vie ? . . .

Extrait de la « Neuvième Promenade », Rêveries du promeneur solitaire (1778).

Ermnenonville, mai 2012. Photo: Olivier Favier. Ermenonville fut le dernier lieu de vie de Jean-Jacques Rousseau en 1778. C'est là qu'il finit d'écrire ses rêveries, publiées à titre posthume.

Pour aller plus loin:

  • « Rousseau père« , par Claude Lévi-Strauss.
  • Pour le tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau en 2012, l’Oise organise nombre de festivités, dont on peut voir le détail sur ce site.

Partager sur