La colline, par Edgar Lee Masters.

 
Où sont Elmer, Herman, Bert, Tom et Charley,
Le veule, le costaud, le clown, le pochard, le boxeur?
Tous, tous, ils dorment sur la colline.

Celui qui fut enlevé par la fièvre,
Celui qui a brûlé dans la mine,
Celui qui fut tué dans une rixe,
Celui qui est mort en prison,
Celui qui tomba d’un pont, qui trimait pour femme et enfants-
Tous, tous ils dorment, dorment, ils dorment sur la colline.

Où sont Ella, Kate, Mag, Lizzie et Edith,
Le cœur tendre, l’âme simple, la tapageuse, l’orgueilleuse, la joyeuse?-
Toutes, toutes, elles dorment sur la colline.

Celle qui est morte dans un accouchement clandestin,
Celle d’un amour contrarié,
Celle entre les mains d’une brute de bordel,
Celle d’une fierté brisée, écoutant le désir de son cœur;
Celle qui au bout d’une vie lointaine entre Londres et Paris
Fut ramenée à sa petite place aux côtés d’Ella de Kate et de Mag-
Toutes, toutes elles dorment, dorment, elles dorment sur la colline.

Où sont Oncle Isaac et tante Emily,
Et le vieux Towny Kincaid et Sevigne Houghton,
Et le Commandant Walker qui avait parlé
Avec les vieux honorés de la révolution?-
Tous, tous, ils dorment, sur la colline.

On leur a ramené des fils morts à la guerre,
Et des filles dont la vie fut broyée,
Et leurs enfants sans père, pleurant-
Tous, tous, ils dorment, dorment, ils dorment sur la colline.

Où est le Vieux Fiddler Jones
Qui jouait avec la vie de tous ses quatre-vingt dix ans,
Défiant la neige à pleine poitrine,
Buvant, tonnant, et ne pensant jamais ni à la femme ni à l’enfant,
Ni à l’or, ni à l’amour, ni au ciel?
Chut! il parle des poissons frits d’autrefois
Des courses de chevaux d’autrefois à Clary’s Grove,
De ce qu’Abe Lincoln a dit
Une fois à Springfield.

Traduit de l’anglais (États-Unis), par Olivier Favier.

Merci à Federica Martucci pour avoir attiré mon attention sur ce livre et sur l’album de Fabrizio de André.

Pour aller plus loin:

  • Une édition intégrale de Spoon River Anthology en libre accès. Les habitants du village imaginaire de Spoon River y sont classés par nom. Chaque nom rapporte à l’un des 244 poèmes-épitaphes correspondants, d’après l’édition définitive de 1916. « La colline », ci-dessus traduit, est le poème d’ouverture.
  • Omaggio a Spoon River, une série photographique de Mario Giacomelli inspirée du poème dédié à Caroline Branson.
  • William Willinghton,  Spoon River ciao, un album photographique publié en 2006.
  • Non al denaronon allamore né al cielo, un disque de Fabrizio de André sorti en 1971, inspiré de neuf poèmes de l’anthologie. La première piste est une réécriture du poème « La collina »: Dormono sulla collina. Dans l’album, on trouve un entretien imaginaire entre Edgar Lee Masters et sa traductrice italienne, Fernando Pivano, ainsi qu’un entretien de cette dernière avec Fabrizio de André.

Image tirée de la série « Omaggio a Spoon River », par Mario Giacomelli.

 

THE HILL

 

Where are Elmer, Herman, Bert, Tom and Charley,
The weak of will, the strong of arm, the clown, the boozer, the fighter?
All, all are sleeping on the hill.

One passed in a fever,
One was burned in a mine,
One was killed in a brawl,
One died in a jail,
One fell from a bridge toiling for children and wife-
All, all are sleeping, sleeping, sleeping on the hill.

Where are Ella, Kate, Mag, Lizzie and Edith,
The tender heart, the simple soul, the loud, the proud, the happy one?–
All, all are sleeping on the hill.

One died in shameful child-birth,
One of a thwarted love,
One at the hands of a brute in a brothel,
One of a broken pride, in the search for heart’s desire;
One after life in far-away London and Paris
Was brought to her little space by Ella and Kate and Mag–
All, all are sleeping, sleeping, sleeping on the hill.

Where are Uncle Isaac and Aunt Emily,
And old Towny Kincaid and Sevigne Houghton,
And Major Walker who had talked With venerable men of the revolution?–
All, all are sleeping on the hill.

They brought them dead sons from the war,
And daughters whom life had crushed,
And their children fatherless, crying–
All, all are sleeping, sleeping, sleeping on the hill.
Where is Old Fiddler Jones
Who played with life all his ninety years,
Braving the sleet with bared breast,
Drinking, rioting, thinking neither of wife nor kin,
Nor gold, nor love, nor heaven?
Lo! he babbles of the fish-frys of long ago,
Of the horse-races of long ago at Clary’s Grove,
Of what Abe Lincoln said
One time at Springfield.

« La colline de Spoon River ». Photographie: William Willinghton.


 

LA COLLINA

 
Dove sono Elmer, Herman, Bert, Tom e Charley,
l’abulico, l’atletico, il buffone, l’ubriacone, il rissoso?
Tutti, tutti, dormono sulla collina.

Uno trapassò in una febbre,
uno fu arso in miniera,
uno fu ucciso in rissa,
uno morì in prigione,
uno cadde da un ponte lavorando per i suoi cari –
tutti, tutti dormono, dormono, dormono sulla collina.

Dove sono Ella, Kate, Mag, Edith e Lizzie,
la tenera, la semplice, la vociona, l’orgogliosa, la felicie?
Tutte, tutte, dormono sulla collina.

Una morì di un parto illecito,
una di amore contrastato,
una sotto le mani di un bruto in un bordello,
una di orgoglio spezzato, mentre anelava al suo ideale,
una inseguendo la vita, lontano, in Londra e Parigi,
ma fu riportata nel piccolo spazio con Ella, con Kate, con Mag –
tutt, tutte dormono, dormono, dormono sulla collina.

Dove sono zio Isaac e la zia Emily,
e il vecchio Towny Kincaid e Sevigne Houghton,
e il maggiore Walker che aveva conosciuto
uomini venerabili della Rivoluzione? *
Tutti, tutti, dormono sulla collina.

Li riportarono, figlioli morti, dalla guerra,
e figlie infrante dalla vita,
e i loro bimbi orfani, piangenti –
tutti, tutti dormono, dormono, dormono sulla collina.

Dov’è quel vecchio suonatore Jones
che giocò con la vita per tutti i novant’anni,
fronteggiando il nevischio a petto nudo,
bevendo, facendo chiasso, non pensando né a moglie né a parenti,
né al denaro, né all’amore, né al cielo?
Eccolo! Ciancia delle fritture di tanti anni fa,
delle corse di tanti anni fa nel Boschetto di Clary,
di ciò che Abe Lincoln
disse una volta a Springfield.

Traduzione italiana di Fernando Pivano (prima edizione del 1943). Le altre traduzioni utilizzate per il disco di Fabrizio de André si possono leggere qui.

La couverture originale de l’album de Fabrizio de André (« Non à l’argent, non à l’amour et au ciel. »).

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