Certains étaient communistes…, par Giorgio Gaber.

 

Quoi? Non, ce n’est pas vrai, je n’ai rien à me reprocher. Enfin je veux dire… je ne crois pas que j’ai fait quelque chose de grave.
Ma vie? Une vie normale. Je n’ai rien volé, même pas à la maison quand j’étais petit, je n’ai tué personne, voyons!… Quelques actes impurs mais c’est normal non?
Je travaille, j’ai une famille, je paie mes impôts. je ne crois pas avoir des fautes… je ne vais même pas à la chasse!
Quoi? Ah, vous parlez d’avant! Ah… mais avant… mais avant je me suis comporté comme tout le monde.
Comment je m’habillais? Je m’habillais, je m’habillais comme maintenant… ben pas vraiment comme maintenant, un peu plus… oui, jeans, pull-over, parka. Pourquoi? C’est pas bien? C’était pratique.
Qu’est-ce que je chantais? Ah ben ça, vous voulez savoir ce que je chantais. Mais oui bien sûr, aussi des chansons populaires, oui… « Ciao bella ciao ». Je dois parler plus fort? Oui, « Ciao bella ciao » je l’ai chantée, d’accord, et aussi l’ « Internationale », mais en chœur, hein!
Oui, ça oui, je l’admets, oui, j’y suis allé, oui, je suis allé les voir moi aussi les Inti Illimani… mais je n’ai pas pleuré!
Comment? Si j’ai des photos dans ma chambre? Ben voyons, bien sûr, les photos de mes parents, ma femme, ma…
Des affiches? Je ne crois pas… Peut-être une, mais petite… Che Ghevara. Mais c’est quoi, un procès?
Non, non, non, moi ça non, moi le poing je ne l’ai jamais montré, le poing non, jamais. Ben en somme, une fois mais… un petit poing, mais vite fait…
Comment? Si j’étais communiste? Eh. J’aime bien les questions directes! Vous voulez savoir si j’étais communiste? Non, non enfin parce que maintenant plus personne n’en parle, tout le monde fait semblant de rien et pourtant vous avez raison il faut mettre certaines choses au clair, une bonne fois pour toutes. Ohhh!
Si j’étais communiste. Mais! Dans quel sens? Enfin, je veux dire…
Certains étaient communistes parce qu’ils étaient en Émilie.
Certains étaient communistes parce que le grand-père, l’oncle, le père… la mère non.
Certains étaient communistes parce qu’il voyait la Russie comme une promesse, la Chine comme une poésie, le communisme comme le Paradis Terrestre.
Certains étaient communistes parce qu’ils se sentaient seuls.
Certains étaient communistes parce qu’ils avaient eu une éducation trop catholique.
Certains étaient communistes parce que le cinéma l’exigeait, le théâtre l’exigeait, la peinture l’exigeait, la littérature aussi… le monde entier l’exigeait.
Certains étaient communistes parce que “L’Histoire est de notre côté!”.
Certains étaient communistes parce qu’on leur avait dit.
Certains étaient communistes parce qu’on ne leur avait pas tout dit.
Certains étaient communistes parce qu’avant ils étaient fascistes.
Certains étaient communistes parce qu’ils avaient compris que la Russie avançait doucement mais sûrement.
Certains étaient communistes parce que Berlinguer était quelqu’un de bien.
Certains étaient communistes parce qu’Andreotti n’était pas quelqu’un de bien.
Certains étaient communistes parce qu’ils étaient riches mais qu’ils aimaient le peuple.
Certains étaient communistes parce qu’ils buvaient du vin et qu’ils étaient émus pendant les fêtes populaires.
Certains étaient communistes parce qu’ils étaient tellement athées qu’ils avaient besoin d’un autre Dieu.
Certains étaient communistes parce qu’ils étaient tellement fascinés par les ouvriers qu’ils voulaient être l’un d’eux.
Certains étaient communistes parce qu’ils n’en pouvaient plus d’être des ouvriers.
Certains étaient communistes parce qu’ils voulaient l’augmentation des salaires.
Certains étaient communistes parce que la bourgeoisie le prolétariat la lutte des classes, merde!
Certains étaient communistes parce que la révolution aujourd’hui non, demain peut-être, mais après-demain sûrement…
Certains étaient communistes parce que “Vive Marx, vive Lénine, vive Mao Tse Toung”.
Certains étaient communistes pour faire enrager leur père.
Certains étaient communistes parce qu’ils regardaient toujours la Rai tre.
Certains étaient communistes par ce que c’était la mode, certains par principe, certains par frustration.
Certains étaient communistes parce qu’ils voulaient tout étatiser.
Certains étaient communistes parce qu’ils ne connaissaient pas les fonctionnaires, les assimilés fonctionnaires, et les employés du secteur parapublic.
Certains étaient communistes parce qu’ils avaient échangé le « matérialisme dialectique » avec l’ « Évangile selon Lénine ».
Certains étaient communistes parce qu’ils étaient convaincus d’avoir derrière eux la classe ouvrière.
Certains étaient communistes parce qu’ils étaient plus communistes que les autres.
Certains étaient communistes parce qu’il y avait le grand Parti Communiste.
Certains étaient communistes malgré le grand Parti Communiste.
Certains étaient communistes parce qu’il n’y avait rien de mieux.
Certains étaient communistes parce que nous avons eu le pire Parti Socialiste d’Europe.
Certains étaient communistes parce que l’État pire que nous seulement l’Ouganda.
Certains étaient communistes parce qu’ils n’en pouvaient plus de quarante années de gouvernements démocrates-chrétiens incapables et mafieux.
Certains étaient communistes parce que piazza Fontana, Brescia, la gare de Bologne, l’Italicus, Ustica, etc. etc. etc.
Certains étaient communistes parce que ceux qui étaient contre étaient communistes.
Certains étaient communistes parce qu’ils ne supportaient plus cette chose sale que nous nous obstinons à appeler démocratie.
Certains croyaient être communistes et que peut-être ils étaient quelque chose d’autre.
Certains étaient communistes parce qu’ils rêvaient d’une liberté différente de celle américaine.
Certains étaient communistes parce qu’ils pensaient pouvoir être vivants et heureux seulement si les autres l’étaient aussi.
Certains étaient communistes parce qu’ils avaient besoin d’être poussés vers quelque chose de nouveau, parce qu’ils étaient prêts à changer chaque jour, parce qu’ils sentaient la nécessité d’une morale différente, parce que c’était peut-être seulement une force, un vol, un rêve, c’était seulement un élan, un désir de changer les choses, de changer la vie.
Certains étaient communistes parce que à côté de cet élan chacun était comme plus que lui-même, il était comme deux personnes en une. D’un côté le labeur quotidien personnel et de l’autre le sentiment d’appartenir à une race qui voulait prendre son vol pour changer vraiment la vie.
Non, aucun regret. Peut-être aussi qu’alors beaucoup avaient ouvert leurs ailes sans être capables de voler, comme des mouettes hypothétiques.
Et maintenant? Maintenant aussi on se sent comme deux personnes: d’un côté l’homme intégré qui traverse avec respect la misère de sa survie quotidienne et de l’autre la mouette, qui n’a même plus l’intention de voler, parce que le rêve s’est désormais rabougri, on se sent comme deux misères dans un seul corps.

Traduit par Olivier Favier.

La vidéo du texte enregistré en 1991: Giorgio Gaber, Qualcuno era comunista.

Qualcuno era comunista

di Gaber – Luporini

1991 © Edizioni Curci Srl – Milano

MONOLOGO

Uh? No, non è vero, io non ho niente da rimproverarmi. Voglio dire… non mi sembra di aver fatto delle cose gravi.
La mia vita? Una vita normale. Non ho mai rubato, neanche in casa da piccolo, non ho ammazzato nessuno, figuriamoci!… Qualche atto impuro ma è normale no?
Lavoro, ho una famiglia, pago le tasse. Non mi sembra di avere delle colpe… non vado neanche a caccia!
Uh? Ah, voi parlavate di prima! Ah… ma prima… ma prima mi sono comportato come tutti.
Come mi vestivo? Mi vestivo, mi vestivo come ora… beh non proprio come ora, un po’ più… sì, jeans, maglione, l’eskimo. Perché? Non va bene? Era comodo.
Cosa cantavo? Questa poi, volete sapere cosa cantavo. Ma sì certo, anche canzoni popolari, sì… “Ciao bella ciao”. Devo parlar più forte? Sì, “Ciao bella ciao” l’ho cantata, d’accordo, e anche l’“Internazionale”, però in coro eh!
Sì, quello sì, lo ammetto, sì, ci sono andato, sì, li ho visti anch’io gli Inti Illimani… però non ho pianto!
Come? Se in camera ho delle foto? Che discorsi, certo, le foto dei miei genitori, mia moglie, mia…
Manifesti? Non mi pare… Forse uno, piccolo proprio… Che Ghevara. Ma che cos’è, un processo questo qui?
No, no, no, io quello no, io il pugno non l’ho mai fatto, il pugno no, mai. Beh insomma, una volta ma… un pugnettino, rapido proprio…
Come? Se ero comunista? Eh. Mi piacciono le domande dirette! Volete sapere se ero comunista? No, no finalmente perché adesso non ne parla più nessuno, tutti fanno finta di niente e invece è giusto chiarirle queste cose, una volta per tutte, ohhh!
Se ero comunista. Mah! In che senso? No, voglio dire…
Qualcuno era comunista perché era nato in Emilia.
Qualcuno era comunista perché il nonno, lo zio, il papà… la mamma no.
Qualcuno era comunista perché vedeva la Russia come una promessa, la Cina come una poesia, il comunismo come il Paradiso Terrestre.
Qualcuno era comunista perché si sentiva solo.
Qualcuno era comunista perché aveva avuto un’educazione troppo cattolica.
Qualcuno era comunista perché il cinema lo esigeva, il teatro lo esigeva, la pittura lo esigeva, la letteratura anche… lo esigevano tutti.
Qualcuno era comunista perché “La Storia è dalla nostra parte!”.
Qualcuno era comunista perché glielo avevano detto.
Qualcuno era comunista perché non gli avevano detto tutto.
Qualcuno era comunista perché prima era fascista.
Qualcuno era comunista perché aveva capito che la Russia andava piano ma lontano.
Qualcuno era comunista perché Berlinguer era una brava persona.
Qualcuno era comunista perché Andreotti non era una brava persona.
Qualcuno era comunista perché era ricco ma amava il popolo.
Qualcuno era comunista perché beveva il vino e si commuoveva alle feste popolari.
Qualcuno era comunista perché era così ateo che aveva bisogno di un altro Dio.
Qualcuno era comunista perché era talmente affascinato dagli operai che voleva essere uno di loro.
Qualcuno era comunista perché non ne poteva più di fare l’operaio.
Qualcuno era comunista perché voleva l’aumento di stipendio.
Qualcuno era comunista perché la borghesia il proletariato la lotta di classe, cazzo!
Qualcuno era comunista perché la rivoluzione oggi no, domani forse, ma dopo domani sicuramente…
Qualcuno era comunista perché “Viva Marx, viva Lenin, viva Mao Tse-Tung”.
Qualcuno era comunista per fare rabbia a suo padre.
Qualcuno era comunista perché guardava sempre Rai Tre.
Qualcuno era comunista per moda, qualcuno per principio, qualcuno per frustrazione.
Qualcuno era comunista perché voleva statalizzare tutto.
Qualcuno era comunista perché non conosceva gli impiegati statali, parastatali e affini.
Qualcuno era comunista perché aveva scambiato il “materialismo dialettico” per il “Vangelo secondo Lenin”.
Qualcuno era comunista perché era convinto d’avere dietro di sé la classe operaia.
Qualcuno era comunista perché era più comunista degli altri.
Qualcuno era comunista perché c’era il grande Partito Comunista.
Qualcuno era comunista malgrado ci fosse il grande Partito Comunista.
Qualcuno era comunista perché non c’era niente di meglio.
Qualcuno era comunista perché abbiamo avuto il peggiore Partito Socialista d’Europa.
Qualcuno era comunista perché lo Stato peggio che da noi solo l’Uganda.
Qualcuno era comunista perché non ne poteva più di quarant’anni di governi democristiani incapaci e mafiosi.
Qualcuno era comunista perché piazza Fontana, Brescia, la stazione di Bologna, l’Italicus, Ustica, eccetera, eccetera, eccetera.
Qualcuno era comunista perché chi era contro era comunista.
Qualcuno era comunista perché non sopportava più quella cosa sporca che ci ostiniamo a chiamare democrazia.
Qualcuno credeva di essere comunista e forse era qualcos’altro.
Qualcuno era comunista perché sognava una libertà diversa da quella americana.
Qualcuno era comunista perché pensava di poter essere vivo e felice solo se lo erano anche gli altri.
Qualcuno era comunista perché aveva bisogno di una spinta verso qualcosa di nuovo, perché era disposto a cambiare ogni giorno, perché sentiva la necessità di una morale diversa, perché forse era solo una forza, un volo, un sogno, era solo uno slancio, un desiderio di cambiare le cose, di cambiare la vita.
Qualcuno era comunista perché con accanto questo slancio ognuno era come più di se stesso, era come due persone in una. Da una parte la personale fatica quotidiana e dall’altra il senso di appartenenza a una razza che voleva spiccare il volo per cambiare veramente la vita.
No, niente rimpianti. Forse anche allora molti avevano aperto le ali senza essere capaci di volare, come dei gabbiani ipotetici.
E ora? Anche ora ci si sente come in due: da una parte l’uomo inserito che attraversa ossequiosamente lo squallore della propria sopravvivenza quotidiana e dall’altra il gabbiano, senza più neanche l’intenzione del volo, perché ormai il sogno si è rattrappito, due miserie in un corpo solo.

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