Sacro GRA: psychogéographie d’un non-lieu, par Olivier Favier.

 
« Sous l’écorce d’une ville malade, les cicatrices se referment elles aussi sans laisser de trace apparente. Mais le mal ronge le cœur d’un monde qui n’a plus de regard pour lui-même. »

Olivier Favier

Le Drapeau, par Jean Zay.

 
« Ils sont quinze cent mille qui sont morts pour cette saloperie-là.
Quinze cent mille dans mon pays, Quinze millions dans tous les pays. »

Jean Zay

Les « Faisceaux » du Katanga, par Daniele Comberiati.

 
« Ils ne sont pas considérés comme blancs, les Italiens du Congo, pas plus qu’ils ne le sont aux États-Unis, en Australie ou au Brésil, autres terres d’émigration de ces années-là. Ils vivent entre les blancs et les noirs, en particulier à Éli­sa­be­th­ville, où le quartier italien est, physiquement aussi, entre les quartiers congolais et belges. »

Daniele Comberiati

Nantes, 22 février 2014: le témoignage de Damien, grièvement blessé.

 
« Je peux affirmer que nous sommes au moins trois blessés à l’œil sur cette manifestation, car à l’hôpital, en plus de Quentin que j’ai croisé, j’ai vu un troisième blessé à l’œil pendant le rendez-vous avec l’anesthésiste, un jeune homme d’environ 25 ans dont je ne connais pas le nom. »

Damien T.

Contribution au centenaire du suicide de la civilisation européenne, par Léonard Vincent.

 
« Pourtant si nous savions réellement de quoi nous parlons la plupart du temps, nous n’aurions pas d’opinion, j’en suis certain.

Ou alors elle serait empreinte d’ironie. De ce pas de côté qui est le signe que nous ne sommes pas totalement conquis. De ce décalage bienveillant et subversif qui a marqué par exemple les grands coups de génie de la civilisation européenne, c’est-à-dire la culture. Nous serions peut-être bien seuls, mais nos yeux seraient ouverts et nos actes seraient plus clairs, et plus fermes. »

Léonard Vincent

Sur le fascisme, par Nicola Chiaromonte.

 
« Il s’agissait, dans mon cas, d’une réaction de conscience, dans laquelle l’élément politique n’entrait que pour constater qu’on ne pouvait qu’être contre de telles choses. Car, du point de vue de la conscience, ce qui importe c’est la réalité et les mots ne valent qu’autant qu’ils l’expriment. Du point de vue de la conscience, ce qui précipite la décision, c’est justement le sens immédiat que certains faits sont ce qu’ils sont et qu’aucune formule ne peut les contraindre à signifier autre chose. Et il n’y a pas de sophisme, ou de nécessité supérieure, qui puissent faire taire en nous l’alarme causée par le fait de l’homme injustement persécuté — ni de «version officielle» qui puisse nous persuader qu’un mensonge est une vérité.

Or, on pourrait dire que les doutes qui s’amassent autour du fascisme au fur et à mesure qu’on apprend à le connaître, viennent essentiellement de ce simple fait: qu’il semble avoir un intérêt primordial à appeler les choses autrement que par leur nom le plus simple. Il commence par dire qu’un crime n’est pas un crime, mais un «moment nécessaire», et même «héroïque», de l’histoire, et finit par appeler «unanimité» le résultat visible de l’excellente organisation de la police politique; ou par dénoncer la «volonté agressive» d’une armée qui se retire.

En effet, en présence, par exemple, des persécutions antisémites en Allemagne, ce qui est insupportable et que je trouve le plus grave, ce n’est pas tant l’explosion féroce d’un ressentiment accumulé: c’est que ce ressentiment prétende se justifier et donc rejeter dans l’abstrait toute responsabilité, par la théorie raciste. Car la passion, même si elle est féroce, est une chose humaine et sur laquelle, d’homme à homme, on peut toujours essayer d’avoir prise. Dans le pire des cas, il y a son cours naturel et l’assouvissement. Mais une théorie absurde raidit la férocité en système; de sorte qu’aucun discours n’est plus possible. Il y a une frontière infranchissable qui se dresse: on a pris l’habitude de la gratifier du nom de «mystique». Plus exactement, elle marque la limite au-delà de laquelle l’obtusité devient irréparable.

Je ne veux pas faire de la polémique. Je veux simplement souligner un fait qui me paraît capital, pour la compréhension du fascisme. Ce fait est l’altération de vocabulaire qui, en simplifiant progressivement les notions de la réalité, en nivelle arbitrairement les aspérités et finit par abolir la conscience de son caractère fondamental, qui est d’être constituée de choses distinctes et d’actions dont chacune a sa signification et ses conséquences propres. C’est le phénomène qui constitue la façade «totalitaire» du fascisme, façade dont la fonction la plus simple est justement celle de donner une apparence d’uniformité à une réalité confuse et complexe.

Cette altération de vocabulaire n’est pas chose nouvelle ni particulière au fascisme, dans le monde actuel. C’est une technique que le fascisme a poussé jusqu’à une certaine perfection, mais tous les intérêts établis s’en servent également, à travers leurs services de propagande, et en utilisant les ressources de la technique moderne de persuasion. Car tout cela n’est qu’affaire de publicité.

Et, de même que, devant les insistances de la réclame qui cherche à vous imposer, par les différentes formes d’obsession, lumineuses ou radiophoniques, l’achat de la marque de savon qui a été le principal auxiliaire de Cléopâtre dans son œuvre de séduction de Marc-Antoine, la seule question utile est de savoir s’il nettoie les mains mieux qu’un autre — de même, devant le fascisme, il importe avant tout de percer l’écorce totalitaire pour aller voir ce qui se passe derrière. C’est-à-dire, il importe avant de rétablir les distinctions, les précisions, les diversités de cette vie réelle et multiple qu’on risque de perdre de vue. »

Nicola Chiaromonte

L’Ukraine, la Pologne et leurs droites : le « paradoxe européen », par Guido Caldiron.

 
« C’est en particulier le leader de l’opposition ultra-­con­ser­va­trice Jarosław Kaczyński qui a utilisé le drame de Kiev pour s’opposer au premier ministre libéral Donald Tusk, jugé «trop atten­ti­ste». Quant à lui, Kaczyński, il n’a pas perdu de temps pour se ranger dès décembre aux côtés des leaders de l’opposition à Ianoukovytch tant sur la place de l’Indépendance de Kiev que dans différents centres de l’Ukraine occidentale, à majorité catholique. Pour la population de cette dernière, l’Église polonaise s’est elle aussi mobilisée. Tout cet activisme ne doit rien au hasard. »

Guido Caldiron