La Folie coloniale, par Anatole France.

« La politique coloniale est la forme la plus récente de la barbarie ou, si l’on préfère, le terme de la civilisation. Je ne fais pas de différence entre ces deux expressions: elles sont identiques. Ce que les hommes appellent civilisation, c’est l’état actuel des mœurs et ce qu’ils appellent barbarie, ce sont les états antérieurs. Les mœurs présentes, on les appellera barbares quand elles seront des mœurs passées. Je reconnais sans difficulté qu’il est dans nos mœurs et dans notre morale que les peuples forts détruisent les peuples faibles. C’est le principe du droit des gens et le fondement de l’action coloniale. »

Anatole France

Paradoxes sur la guerre russo-japonaise, par Anatole France.

« Les nations chrétiennes ont pris l’habitude d’envoyer ensemble ou séparément dans ce grand empire, quand l’ordre y était troublé, des soldats qui le rétablissaient par le vol, le viol, le pillage, le meurtre et l’incendie, et de procéder à courts intervalles, au moyen de fusils et de canons, à la pénétration pacifique du pays. Les Chinois inarmés ne se défendent pas ou se défendent mal; on les massacre avec une agréable facilité. Ils sont polis et cérémonieux ; mais on leur reproche de nourrir peu de sympathie pour les Européens. »

Anatole France

Bohémiens en voyage, par Charles Baudelaire.

« La tribu prophétique aux prunelles ardentes
Hier s’est mise en route, emportant ses petits »

Charles Baudelaire

La guerre, par Anatole France.

« Aujourd’hui encore, les Blancs ne communiquent avec les Jaunes que pour les asservir ou les massacrer. Les peuples que nous méprisons pour leur barbarie ne nous connaissent encore que par nos crimes. »

Anatole France

La première victime de la guerre, par Gabriel Chevallier.

« À la terrasse d’un café du centre, un orchestre attaque La Marseillaise. Tout le monde l’entend debout et se découvre. Sauf un petit homme chétif, de mise modeste, au visage triste sous son chapeau de paille, qui se tient seul dans un coin. »

Gabriel Chevallier

L’Adieu à la patrie, par Luc Durtain.

« Il part comme le cri part de la poitrine. »

Luc Durtain

L’alerte, récit d’avant-guerre, par René Arcos.

« Spectacle pénible à la fin d’une telle journée, on voyait se traîner au loin, cahin-caha, dans le soleil et la poussière, la petite troupe des soi-disant éclopés. C’étaient surtout, pour la plupart, des mauvaises têtes renommées, toute la bande des rouspéteurs éternels, des tire-au-cul, des incrédules, des anarchistes, plaie des casernes et fléau des sociétés modernes. Mais ils étaient, grâce à Dieu, si peu nombreux qu’on pouvait faire semblant de ne pas les voir.
Ils ne méritaient que ce méprisant oubli. »

René Arcos

Masereel (Frans) fiche anthropométrique et rapport de police, par Luc Durtain.

« La fin de juillet 1914 le rencontre en Bretagne. Masereel va retrouver sa famille en Belgique. Le cataclysme, la furieuse ruée des machines sont à l’instant d’emporter avec eux l’artiste. La veille de l’entrée des troupes allemandes à Gand, il s’esquive vers Dunkerque, à pied, puis en bateau. Évasion point seulement matérielle, mais spirituelle! Point seulement fugue opportune, mais éloignement profond, mais horreur!
Un an plus tard, Masereel s’installe à Genève. Devant les forces destructrices que les camps opposés lâchent à l’envi sur le monde, il est de ceux qui se refusent à toute complicité. Au nom de l’esprit, au nom de la beauté de l’univers et de la dignité des êtres, durant les plus noirs moments de la guerre il dressera contre elle, l’un des premiers, le refus de son corps et de son âme. Malgré les haines et la misère qui s’acharnent contre l’exilé, tous les jours, dans La Feuille, il affirmera la barbarie de la destruction, la stupidité des hommes, le mensonge des mots. En 1918, il publie 25 Images de la Passion d’un Homme, sa première grande suite de gravures sur bois. L’adversité, l’injustice, frappant de plein fouet sa conscience, ont suscité la première oeuvre. De ce terrible début, le talent de Masereel gardera la fougue, l’âpreté, la générosité aussi. Dons amers du désastre et du malheur! »

Luc Durtain

Le Manoir d’Ango, par André Breton.

« Le Manoir d’Ango où l’on m’a offert de me tenir, quand je voudrais ne pas être dérangé, dans une cahute masquée artificiellement de broussailles, à la lisière d’un bois, où d’où je pourrais, tout en m’occupant par ailleurs à mon gré, chasser au grand-duc. »

André Breton

Déclaration du Citoyen Brizon. Chambre des Députés (Séance du 24 juin 1916).

« Nous regrettons le mauvais emploi des milliards perdus pour le peuple et nous votons contre les crédits de guerre, pour la paix, pour la France, pour le socialisme. »

Le député Pierre Brizon, 24 juin 1916.