Olivetti (extraits), par Laura Curino.

“L’été, pour moi, c’était les colonies de vacances Fiat, autrement dit la prison. Durant les longues heures en cellule, ou celles passées au grand air, des légendes circulaient parmi nous, les enfants. L’une d’elles disait que le Paradis existait, là tout près. Une colonie où les enfants étaient bien habillés, avaient une “demoiselle” pour six ou sept, au lieu d’une pour trente, une demoiselle qui ne pleurait pas toute la journée, qui était même contente d’être là. Les enfants y mangeaient bien, assis autour de petites tables, ils pouvaient se baigner sans coups de sifflet, écrire des lettres qui ne seraient pas lues avant d’être envoyées, ils pouvaient… lire! On ne pouvait pas lire à la colonie Fiat. On ne pouvait pas non plus écrire et quinconque tenait un journal devait le faire en cachette et trouver à tout prix un endroit où le cacher, vu que nous n’avions pas les clés de nos casiers, le nécessaire de toilette y rentrait déjà difficilement du reste. Là, au Paradis, on disait que les enfants avaient une petite armoire. Avec la clé. Ce paradis, c’était la colonie Olivetti. »

Laura Curino

Afrique centrale, 1899: la mission Voulet-Chanoine au cœur des ténèbres. Entretien avec Chantal Ahounou.

« Vers le milieu du dix-neuvième siècle, un type d’homme particulier émerge. C’est le spécialiste ou le professionnel de l’Afrique. C’est le miliaire de carrière qui selon Raoul Girardet est « un type social nouveau ». Ce n’est plus un simple soldat mais un « fondateur d’Empire ». L’armée est un élément de l’unité nationale. Elle fait la fierté de la France. Maintenant, le temps des missions pacifiques est révolu. Les guerres coloniales portent en elles une brutalité inouïe. »

Chantal Ahounou

Poésie, par Vladimír Holan.

« Si un homme ne se sent pas perdu il est perdu »

Vladimír Holan

Dichotomie non sanglante, par Oliverio Girondo.

« Et à l’instant précis
d’entrer dans une maison,
je découvre que j’y étais déjà avant d’être arrivé »

Oliverio Girondo

Communion plénière, par Oliverio Girondo.

« Mes nerfs adhèrent
à la boue, aux parois,
étreignent les ramures,
pénètrent dans la terre,
s’éparpillent dans l’air,
jusqu’à gagner le ciel. »

Oliverio Girondo

La tolérance répressive, par Herbert Marcuse.

« La tolérance est passée d’un état actif à un état passif, de la pratique à la non-pratique : laissez-faire les autorités constituées ! Ce sont les gens qui tolèrent le gouvernement qui, à son tour, tolère une opposition dans le cadre déterminé par les autorités constituées. La tolérance vis-à-vis de ce qui est radicalement mauvais semble bonne parce qu’elle sert la cohésion du tout qui est en route vers l’abondance ou vers plus d’abondance. »

Herbert Marcuse

Histoire entre le papillon et un ordinateur, par Roberto Roversi.

« ASSIS DEVANT L’ORDINATEUR
L’HOMME DE PLÂTRE DEMANDE DES NOUVELLES DE LA LUNE.
MON HOMME ASSIS DEVANT L’ORDINATEUR EST UN HOMME DE PLÂTRE. »

Roberto Roversi

Un honnête travailleur (montage).

Extraits des mémoires de Rudolf Höss, directeur du camp d’extermination d’Auschwitz de 1940 à 1943.

Un libertaire, par Michel Bounan.

« On ne peut apprécier à sa juste valeur l’art du Voyage au bout de la nuit sans savoir qu’à l’époque où, selon ses propres déclarations, Céline y travaillait depuis un an déjà, il donnait coup sur coup deux communications à la Société de médecine de Paris, dont il était membre, et destinées initialement au seul public médical. »

Michel Bounan

Chère Écusette de Noireuil, par André Breton.

« Toujours et longtemps, les deux grands mots ennemis qui s’affrontent dès qu’il est question de l’amour, n’ont jamais échangé de plus aveuglants coups d’épée qu’aujourd’hui au-dessus de moi, dans un ciel tout entier comme vos yeux dont le blanc est encore si bleu. De ces mots, celui qui porte mes couleurs, même si son étoile faiblit à cette heure, même s’il doit perdre, c’est toujours. Toujours, comme dans les serments qu’exigent les jeunes filles. Toujours, comme sur le sable blanc du temps et par la grâce de cet instrument qui sert à le compter mais seulement jusqu’ici vous fascine et vous affame, réduit à un filet de lait sans fin fusant d’un sein de verre. Envers et contre tout j’aurai maintenu que ce toujours est la grande clé. Ce que j’ai aimé, que je l’aie gardé ou non, je l’aimerai toujours. »

André Breton