Il ne s’est rien passé au Cameroun, entretien avec Gaelle Le Roy.

« Il n’est plus seulement question désormais de lever le voile sur cette page occultée de l’histoire, mais bien d’aller en étudier le détail pour faire progresser la recherche.
Le napalm que nous évoquions tout à l’heure en est un bon exemple. La question des massacres et du nombre de victimes que tu soulevais, et qui reste aujourd’hui impossible à déterminer, en est une autre.
À la veille de l’indépendance par exemple, on ne connaitra peut être jamais le nombre de victimes.
Et s’il y en eut bien davantage du côté de l’UPC, seuls les corps et les funérailles de quelques victimes européennes resteront fixés pour toujours sur la pellicule. »

Gaelle Le Roy

Contre la poésie, par Witold Gombrowicz.

« Il n’est rien de plus instructif que l’expérience, et c’est pourquoi j’en ai trouvé quelques-unes fort curieuses : par exemple, lire un poème quelconque en modifiant intentionnellement l’ordre de lecture, de sorte qu’elle en devenait absurde, sans qu’aucun de mes auditeurs (fins, cultivés et fervents admirateurs du poète en question) ne s’en aperçoive ; ou analyser en détail un poème plus long et constater avec étonnement que « ses admirateurs » ne l’avaient pas lu en entier. Comment est-ce possible ? Tant admirer quelqu’un et ne pas le lire. Tant aimer la « précision mathématique des mots » et ne pas percevoir une altération fondamentale dans l’ordre de l’expression.  »

Witold Gombrowicz

Il ne suffit pas d’ouvrir la fenêtre, par Fernando Pessoa.

« Il ne suffit pas d’ouvrir la fenêtre
Pour voir les champs et la rivière.
Il ne suffit pas de ne pas être aveugle
Pour voir les arbres et les fleurs.
Il faut n’avoir aucune philosophie. »

Fernando Pessoa

Les choses qui font le dimanche, par Corrado Govoni.

« Le son noir et blanc du piano.
Les sœurs blanches bandées comme des blessures.
Les prêtres noirs.
Les pensionnaires gris.
Le bleu du ciel serein.
Les promenades des amants.
Les promenades des malades. »

Corrado Govoni

Holocauste de l’automne (extraits), par Desmond Egan.

« avec le sentiment d’avoir tous perdu
une part de ce que nous aurions dû être »

Desmond Egan

Dies irae, par Aldo Zargani.

« Si nous nous racontons les uns aux autres la période qui fut celle du plus grave conflit de l’histoire, nous qui l’avons vécu, nous sommes capables d’entrer dans les moindres détails, alors qu’il nous est difficile d’analyser avec la même acuité ce qui s’est produit par la suite. L’après vit pourtant se succéder plusieurs phases, toutes inexplorées ou presque. Si on y pense, la première fut celle, brève et foudroyante, qui suivit le grand silence de la fin des combats : les jours de colère. »

Aldo Zargani

Radio clandestine, Mémoires des fosses ardéatines (3), par Ascanio Celestini.

« Et tout le monde lui disait « Racontez… racontez… » et lui il parlait de la première guerre mondiale, de la guerre que nous avons gagnée.
Tandis que les histoires de notre guerre, la guerre dont on n’a pas encore compris si nous l’avons gagnée ou perdue, nos histoires, personne ne veut les entendre. »

Ascanio Celestini

Radio clandestine, Mémoires des fosses ardéatines (2), par Ascanio Celestini.

« Je dis qu’à partir de 1938 le gouvernement italien a déclaré la guerre à 40 000 Italiens, autrement dit aux Juifs. Parce que ces Italiens-là ils étaient juifs, mais tout aussi italiens que les autres… »

Ascanio Celestini

Radio Clandestine, mémoire des Fosses ardéatines (1), par Ascanio Celestini.

« Je dis que c’est une drôle d’histoire, une de celles que tout le monde croit connaître par coeur. Une de ces histoires que les gens vous racontent en une minute. Mais si quelqu’un devait vous la raconter dans ses moindres détails, il mettrait une semaine pour la dire tout entier. »

Ascanio Celestini

Le juge, l’historien, le politique, par Philippe Audegean.

« Il existe néanmoins une vérité sur ce qui s’est passé au cours de cette nuit-là, et sur l’enchaînement des événements ayant conduit à la chute et à la mort de Pinelli. Cette vérité est la vérité judiciaire : la vérité du juge. Dans le domaine du droit, la vérité d’un fait est la vérité de la chose jugée, autrement dit le contenu de la décision judiciaire, de la sentence définitive ou de l’arrêt. Ce qui a été jugé est en effet revêtu d’une autorité qui lui confère la force de la vérité par présomption de la loi. Que dit cette vérité ? Suite à une plainte déposée par la veuve de Pinelli, le parquet de Milan a saisi un juge d’instruction qui, au terme d’une longue enquête qui s’est achevée en 1975, a prononcé une ordonnance de non-lieu. Selon cette ordonnance, Pinelli a été victime d’un « malaise actif » (en italien, malore attivo). Non pas un malaise « passif », qui l’aurait amené à se laisser aller, à tomber dans les pommes, mais un malaise « actif », et même « super-actif », ironise Sofri dans Les Ailes de plomb, puisqu’il l’a amené à se jeter activement par la fenêtre.

Philippe Audegean